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promis des indemnités pour certains de nos établissemens qui disparaîtront sur le french-shore, et qu’on nous a donné des compensations territoriales en Afrique. Il n’y a pas d’arrangement parfait, si un arrangement ne l’est qu’à la condition pour l’une des deux parties d’obtenir tous les avantages et de ne faire aucune concession. On a traité avec quelque dédain les avantages que nous avons obtenus, et grossi démesurément les concessions que nous avons consenties. En somme, qu’avons-nous abandonné ? Le droit exclusif de pêcher dans les eaux du french-shore et le droit de sécher le poisson à terre. Rien de plus. Or ces droits, nous avons cessé depuis longtemps de les exercer. Il y a à cela des motifs peut-être accidentels et provisoires, mais qui semblent bien avoir pris un caractère permanent. Le principal de ces motifs, en ce qui concerne la pêche, est que la morue s’est déplacée : elle n’est plus dans les eaux territoriales de Terre-Neuve, elle est en pleine mer sur le Grand-Banc, et nos pêcheurs ont dû se déplacer avec elle. Ils ont presque complètement renoncé aussi à sécher le poisson sur le french-shore. Cependant, depuis lors, ni notre pêche n’a périclité, ni le recrutement de notre marine n’a faibli. Les causes qu’on signale comme désastreuses agissent depuis vingt ans et plus : puisqu’elles n’ont pas produit encore, ni même commencé de produire les effets qu’on en prédit, pourquoi seraient-elles plus malfaisantes demain qu’elles ne l’ont été hier ? S’il s’était agi d’établir un régime tout nouveau, inconnu, ignoré, non encore éprouvé, nous comprendrions les alarmes qui ont été exprimées presque tragiquement ; mais il s’agit de laisser les choses dans l’état où elles sont. Il y a aussi la question, la grave question de la boëtte, c’est-à-dire de l’appât indispensable à la pêche de la morue. Les Terre-Neuviens ont fait, il y a dix-huit ans, un bill qu’ils appliquent sévèrement depuis quinze, et qui, par des moyens détournés, nous empêche d’acheter de la boëtte en dehors du french-shore ; mais l’arrangement nous reconnaît le droit absolu, qui nous avait été contesté quelquefois, non seulement d’en pêcher, mais d’en acheter sur le french-shore lui-même, et on a découvert dans ces derniers temps des moyens frigorifiques de la conserver. Enfin, nous reviendrons au même raisonnement que plus haut. Les difficultés que nous aurons à nous procurer de la boëtte existent déjà ; elles ne seront pas aggravées, elles seront plutôt diminuées : dès lors comment l’arrangement qui vient d’être conclu produirait-il les conséquences effrayantes qu’on annonce ? Maintenant que la discussion est terminée, il faut plutôt rassurer nos armateurs et nos pêcheurs que les alarmer. Qu’ils relisent les discours de M. de Courcel et de