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croyaient être l’idéal de Knox. En 1904, ils se préparent de nouveau à un exode pareil, et cela parce qu’ils ont cessé d’adhérer à ce même idéal. Après avoir sacrifié jadis à de certaines croyances leurs presbytères et leurs pensions, les voici qui ont abandonné ces croyances ; presbytères et pensions, « c’est sans profit aucun qu’ils les ont perdus. »

Les « croyances » en question, du reste, ne sont point d’ordre purement théologique. Il s’agit surtout, en Écosse comme dans bien d’autres pays, du problème des rapports de l’Église et de l’État. En quelle mesure l’État doit-il intervenir dans la vie religieuse, tant pour réglementer l’exercice du culte que pour en payer les ministres ? C’est sur ce point surtout que portent, depuis quatre siècles, les divergences d’Églises qui, d’ailleurs, non seulement admettent les mêmes dogmes, mais pratiquent leur culte de la même façon. Et toutes ces Églises, pour soutenir leur doctrine, s’appuient sur l’autorité du célèbre Knox, dont chacune prétend être directement issue. De telle sorte que la solution du problème, pour un observateur désintéressé, consisterait à connaître la véritable opinion de Knox, au sujet des rapports de l’Église et de l’État. Mais le problème est, malheureusement, beaucoup plus compliqué qu’on ne serait tenté de le supposer : car il résulte de l’examen des faits que l’illustre réformateur écossais a eu, sur ce grave sujet, plusieurs opinions successives, ou même simultanées, d’après les circonstances diverses où il s’est trouvé.


Les idées de Knox, en tant du moins qu’il les raisonnait, reposaient sur ce principe immuable : que le Calvinisme, tel qu’il l’enseignait, était une chose absolument certaine jusque dans les moindres détails. Si l’État, — ou, suivant son expression, le « magistrat civil, » — était entièrement d’accord avec Knox, celui-ci, dans ce cas, était ravi d’admettre que l’État s’occupât de réglementer la religion. C’était le « magistrat » qui devait se charger de supprimer le catholicisme, ainsi que toutes les autres dissidences de la vérité suivant Knox, et cela par tous les moyens dont pouvait disposer la loi, châtimens corporels, prison, exil et mort. Si l’État était disposé à faire tout cela, cet État devait être implicitement obéi en matière de religion, et son pouvoir devait être considéré comme lui venant tout droit de source divine… Mais c’était seulement dans ce cas que l’État avait le droit d’intervenir et d’être obéi. Dans un État catholique, par exemple, le vrai chrétien ne devait pas obéir au « magistrat civil. » Parfois Knox se bornait à recommander, contre ce « magistrat » la « résistance passive ; » d’autres fois il conseillait formellement de « tirer sur lui. » Et, au contraire, dans un pays protestant, les catholiques devaient toujours obéir au « magistrat » protestant, et prendre, sans avoir le droit de se plaindre, leur part légale de prison, d’exil, et de mort.