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puisque celles-ci, pour avoir quelque valeur, devraient se fonder sur une connaissance des âmes humaines qui, hélas ! nous sont plus inconnaissables encore que tout le reste.

Telle est, du moins, l’opinion de M. Andrew Lang ; et chacune de ses études historiques lui fournit l’occasion de nous l’exprimer sous une forme nouvelle, en la justifiant par de nouveaux exemples. Chacune est, en fin de compte, une nouvelle variation sur le thème de l’incertitude, de l’ignorance, de l’incohérence universelles. Mais jamais la verve de l’auteur ne nous apparaît plus riche, ni sa critique plus ingénieuse et plus instructive, que lorsqu’il se donne expressément pour objet de nous signaler quelque manifestation bien caractéristique de ces infirmités de notre nature : comme, par exemple, dans le chapitre de son livre précédent sur l’Imbroglio Shakspeare-Bacon, ou dans celui qu’il consacre aujourd’hui à ce qu’il appelle le Mystère des Eglises écossaises, c’est-à-dire à cette incessante production de schismes dont Robert Stevenson affirmait naguère qu’elle constituait « un spectacle pitoyable pour l’homme plein de pitié, et amèrement comique pour le reste du monde. »


Il n’y a point de problème historique plus embarrassant, pour les Anglais, que de comprendre les différences qui existent entre les diverses églises écossaises. Qu’il assiste au service divin dans un temple de l’Église établie, ou de l’Église libre, ou de l’Église presbytérienne unie, un Anglais y trouve partout les mêmes choses. Le caractère du service est exactement pareil, à cela près que, parfois, la congrégation se tient debout aux prières et reste assise aux chants, tandis que, d’autres fois, elle chante debout et s’agenouille aux prières. J’ai été dans un temple de l’Église libre qui n’avait point de chaire ; le pasteur se plaçait simplement sur une estrade, comme un conférencier : mais cette manière de faire n’a rien d’essentiel. Dans toutes les églises, on chante des hymnes, on joue de l’orgue, ou de l’harmonium, ou d’autres instrumens de musique. Ainsi les faces des églises sont semblables et fraternelles :


Facies non omnibus una,
Nec diversa tamen, qualem decet esse sororum.


Si bien que l’Anglais en est toujours à se demander en quoi peut consister la différence entre l’Église libre, l’Église établie et l’Église presbytérienne unie. Et que si, par hasard, il soumet la question à un ami écossais, tout porte à croire que celui-ci sera fort en peine de lui répondre.


Encore le mystère se trouve-t-il considérablement aggravé, de nos jours, par la production imminente d’un nouveau schisme, que M. Lang nous explique ainsi : « En 1843, plus de la moitié des pasteurs de l’Église établie sortirent de cette église pour rester fidèles à ce qu’ils