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contre le christianisme, cette religion morose, révoltés contre les prêtres et les rois, et qui sont allés en Palestine afin d’y établir la République universelle. Armide, si calomniée jusqu’ici, n’était que l’avocat un peu compromettant de l’humanitarisme des temps futurs. Écoutez plutôt le discours par lequel elle clôture le prêche odéonien et endoctrine le public :


… Sois un peuple d’amans !
Sois un beau peuple uni, sans orgueil et sans haine !
Ne connais qu’une loi ! n’accepte qu’une chaîne !
Celle qui met les cœurs près des cœurs et les mains
Dans les mains, sans écarts de rêves surhumains !
Il n’existe aucun être à ce point solitaire
Ou si déchu qu’il n’ait, à son heure, sur terre,
Dans sa détresse ou dans sa vanité, trouvé
L’être par qui l’amour voulait qu’il fût sauvé !
L’amour, le rédempteur des erreurs de ce monde !
Il est le Créateur qui conçoit et féconde !
En toute chose il est la sève, il est l’Esprit,
Il est le Bien qui germe et le Pain qui fleurit,
Sans limite, éternel, universel, il règne
Et seule sa splendeur loyale nous enseigne,
Ces rythmes et ces lois dont l’éveil radieux
Fait les hommes pareils à ce qu’étaient les dieux !


Armide est une lectrice de la Petite République. Elle met en vers le pathos de l’Humanité. Tout s’éclaire. Nous savons — enfin ! — où nous sommes et ce qu’on voulait de nous. Le Dragon d’aventure sort de la même ménagerie que le Pélican blanc. Les enfans de l’Islam sont les fils d’Hiram. Cet Orient est le Grand-Orient… C’est ahurissant.

N’insistons pas sur la décoration, qui fait rêver de pastilles du sérail et de papier d’Arménie. Et louons les interprètes pour leur courage. La jeune troupe de l’Odéon est éperdue de bonne volonté. Mlle Sergine (Armide) et M. Dorival (Renaud) font les plus louables efforts, auxquels s’associent Mlles Éven, Rébecca Félix, Taillade, et quelques autres, avec un héroïsme digne d’un meilleur sort.


RENE DOUMIC.