Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 24.djvu/888

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mécontent de son sort, celui d’Alexandresco est un petit fat, très conscient de ses avantages personnels. Enfin le beau portrait physique du paon esquissé par La Fontaine :


Toi que l’on voit porter à l’entour de ton col
Un arc-en-ciel de cent sortes de soies…


est remplacé dans la fable roumaine par la description de la laideur physique du rossignol :


Ne vois-tu pas qu’il ne te sied pas du tout…
Qu’avec un bec si désagréable,
Qu’avec des yeux si gros,
Qu’avec ton plumage tout noir
Tu te mettes encore à chanter dans ce joli petit bois ?


II

Six ans plus tard, en 1838, — l’auteur entrait alors dans sa vingt-sixième année, — parut son second recueil de pièces lyriques, intitulé Poésies, soit en tout huit « élégies, » sept « fables, » deux « épîtres. » Il se caractérise par un nouveau compromis entre l’influence de Lamartine et celle de La Fontaine, et par l’apparition d’un nouveau genre où l’auteur ne s’était pas encore essayé jusque-là, et qui fait tout de suite songer à Boileau.

Des deux premières influences, quelle est celle qui va devenir prépondérante dans l’esprit du jeune poète ? Les Épîtres vont nous l’apprendre : l’une est adressée au poète Jean Vacaresco, l’autre à Jean Campineano, une des figures les plus respectables de la renaissance politique en Roumanie.

Pour comprendre ces épîtres, il faut avoir présens à l’esprit, outre le recueil de vers de 1832, la deuxième Satire de Boileau (à Molière) et tout l’Art poétique. Alexandresco se souvient merveilleusement, au moment où il les écrit, des préceptes du grand critique qui avait fait ses délices à l’école française de Vaillant. Il sait qu’il faut être né poète pour faire des vers ; qu’il faut tâcher de plaire au lecteur ; que les qualités essentielles d’un bon style sont : la noblesse des termes, la clarté, la précision. L’entrée en matière de l’Epître à Vacaresco contient toutes ces réminiscences et rappelle l’allure et le mouvement de la deuxième Satire :


Toi qui as été, dès ta plus tendre enfance, un favori des Muses…