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cinq heures du matin, les voyageurs étaient à Mantoue d’où, après une courte halte, ils continuèrent leur voyage. Bien qu’ils eussent couru de fréquens dangers, notamment en traversant le Saint-Gothard et qu’à diverses reprises, le Roi eût été reconnu dans des hôtelleries où ils avaient dû s’arrêter, ils arrivèrent à Riegel, sains et saufs, dans la soirée du 28 août.

Sur le séjour de Louis XVIII au camp de Condé qui se prolongea durant plus de six semaines, les rapports de d’Avaray nous fournissent aussi des détails qu’il y a lieu de conserver à l’histoire :

« Le lendemain de son arrivée à Riegel, le Roi prit notre uniforme et reçut l’hommage des différens corps. Le prince de Condé lui présenta des officiers, des soldats qui s’étaient distingués par des actions d’éclat. Il leur dit à tous, non pas de ces généralités qui flattent ceux à qui elles s’adressent sans être remarquées par ceux qu’elles n’intéressent pas, mais des choses justes, bien placées, faites pour la personne et pour l’action qui attiraient ses éloges.

« Un vieux maréchal de camp, l’homme le plus modeste et le plus brave de l’armée, se tenait à l’écart la tête baissée, son habit boutonné et croisé, jouissant en silence du bonheur que les autres manifestaient par leur langage. Le Roi le remarque, va droit à lui, lui découvre la poitrine et le grand cordon de Saint-Louis, récompense récente d’une action d’éclat, et lui dit :

« — Monsieur de Salgues, il ne faut pas le cacher quand on l’a gagné d’une manière aussi brillante.

« Chaque jour, le Roi nous donnait à recueillir quelques nouveaux traits aimables et vraiment français et cela, environné de complots, fatigué par les avis et les informations les plus sinistres. Un nommé Bassal, régicide, ci-devant curé intrus de Saint-Louis de Versailles et marié à une coquine, tenait à Basle ayant sous lui un nommé Poteratz, un comité d’insurrection et d’assassinat[1]. J’avais des émissaires auprès de ce scélérat, qui me rendaient compte de ses manœuvres. »

D’autre part, le Roi à peine arrivé à l’armée, le maréchal de

  1. Nous devons laisser au comte d’Avaray la responsabilité de cette accusation dont, à notre connaissance, il n’existe aucune preuve, à moins qu’on ne veuille considérer comme telles, la participation du conventionnel Bassal et du marquis de Poteratz à quelques-uns des actes d’arbitraire et de violence, dont est pleine l’histoire des temps où ils ont vécu et les intrigues qu’ils nouèrent à Bâle pendant le séjour de Louis XVIII à Riegel.