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départ exigé par l’Autriche et son arrivée à Blanckenberg dans le duché de Brunswick, à la fin de juillet, après une courte halte à Dillingen. Il n’y aurait donc pas lieu de s’attarder à ces douloureux incidens de sa vie errante si nous n’étions en mesure d’ajouter à ce qui en a déjà été raconté quelques traits que nous révèlent les documens dont s’éclairent ces récits et qu’il serait dommage de laisser dans l’ombre.

L’un de ces documens, et non le moins précieux, est le journal inédit, écrit de la main du Roi, de son voyage de Vérone à Riegel. On y voit que, depuis longtemps, Louis XVIII gémissait de son inaction et brûlait du désir de se transporter sur un théâtre où il pourrait donner carrière à cette activité dont ses ennemis le déclaraient incapable et dont il avait à cœur de leur fournir des preuves. La Vendée lui restant fermée, le camp de Condé lui semblait l’unique poste digne de lui. Son expulsion des États Vénitiens lui apporta une occasion d’y parvenir, que, jusqu’à ce jour, il avait vainement cherchée et la rigueur de la décision du Sénat de Venise qui lui fut signifiée le 13 avril s’atténua pour lui de l’espérance qu’elle lui permettait de concevoir.

Dans les instans qui suivirent cette communication, il fut en quelque sorte seul, avec d’Avaray, à ne pas perdre complètement la tête. Sa cour se composait alors du duc de La Vauguyon, installé depuis peu à Vérone en qualité de « premier ministre, » du duc de Villequier et du jeune duc de Fleury premier gentilhomme de la Chambre, du comte de Cossé, capitaine des Cent Suisses, du comte d’Avaray, capitaine des gardes du corps et de divers autres personnages de moindre importance. Il constate, sans en désigner nominativement aucun et en n’exceptant que d’Avaray, qu’il y eut parmi eux beaucoup de trouble et de désarroi. « Mes ministres, écrit-il, furent, dans cette occasion, de parfaits emplâtres. »

Néanmoins, l’idée d’aller rejoindre l’armée de Condé eut promptement réuni tous les suffrages. Mais, comment arriverait-on sur les bords du Rhin ? L’Autriche en avait maintes fois barré la route, en réponse aux demandes du Roi. M. de Breuner, ministre impérial à Venise, était seul qualifié pour délivrer des passeports ? Les lui demander pour Riegel, c’était aller au-devant d’un refus. D’Avaray imagina alors de les lui demander doubles, les uns permettant de traverser le Tyrol, les autres, la