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accordé à ma demande les dispenses nécessaires ; ma nièce a déposé entre mes mains l’expression d’un sentiment et d’une volonté conformes à celle de tous les siens ; mon neveu, impatient d’assurer son bonheur pour retourner promptement au poste qui lui est assigné, me laisse à peine l’espoir de lui voir attendre mes ordres pour se rendre auprès de moi ; son père est également impatient de me l’envoyer. Je dois donc m’occuper sans retard éprendre de concert avec Votre Majesté les moyens de hâter la célébration d’un mariage qui m’offrira, ainsi qu’à tous les miens, le seul bonheur dont nous soyons encore susceptibles. Cette enfant, précieux et touchant modèle des vertus et des grandes qualités que nous pleurons, est maintenant un lien de plus entre nous ; elle doit à Votre Majesté la liberté et peut-être la vie ; elle va me devoir un époux qui en assurera le bonheur. En travaillant de concert au prompt accomplissement de cette union, nous parviendrons peut-être à la dédommager des soins paternels qu’elle a perdus et cette action commune sera le garant de l’accord, de l’union et des sentimens que je désire voir régner à jamais entre Votre Majesté et moi. »

Cette lettre devait rester longtemps sans réponse. Le 22 mai, la princesse mande à son oncle : « Vous me chargez de parler à l’Empereur pour mon mariage. Je croyais que ce prince vous avait écrit. Mais, puisqu’il ne l’a pas fait, je vous dirai qu’il n’a rien du tout contre ce mariage qu’il trouve très juste ; mais je doute qu’il s’en mêle. Je ne peux pas moi-même lui en parler que quand je saurai vos volontés à ce sujet, quand et comment vous voulez qu’il se fasse. Quand je saurai vos volontés, alors, je les lui ferai connaître. »

Ainsi tombaient devant l’évidence les derniers soupçons du Roi. Il n’avait plus à craindre les intrigues de Vienne. Il restait libre de fixer au jour et à l’heure qui lui conviendraient la célébration du mariage. Par malheur, au moment où il en recevait de sa nièce l’assurance positive, un grave incident venait une fois de plus troubler sa vie et rouvrir pour lui l’ère des aventures. Dans la journée du 13 avril, le gouvernement vénitien, à l’instigation du Directoire, lui avait intimé l’ordre de quitter Vérone.

Entre les divers épisodes de l’émigration, il n’en est pas de plus connus que l’expulsion de Vérone, le séjour du Roi à l’armée de Condé, campée alors à Riegel dans le duché de Bade ; son