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les choses se remettent en France et je n’en désespère pas ; la clémence que vous avez doit vous gagner tous les cœurs. Je voudrais bien que vous écriviez encore un manifeste, le premier a fait grand effet et ce peuple est si malheureux à présent à Paris qu’il faut peu de chose pour lui faire secouer le joug des monstres qui le gouvernent.

« Mme de Chanclos est une excellente personne ; elle est Flamande, et elle a beaucoup de mérite ; elle a connu ma mère dans ce pays-ci ; elle est attachée à l’Empereur dont elle a élevé la première femme, mais elle est bonne, juste et intègre. Elle a vu l’autre jour les moyens dont Mme de Guiche s’est servie pour me rendre votre lettre ; elle n’en a rien dit à l’Empereur. Elle m’est très attachée, et on peut vraiment compter sur elle et jamais les lettres ne sont ouvertes. L’Empereur même est peut-être plus de vos amis que vous ne croyez ; tout le monde ici vous appelle le Roi ; on vous respecte ainsi que vos malheurs, et on désire votre bonheur ; enfin vraiment je n’ai qu’à me louer de ce pays. »

Dans ces explications révélatrices d’une haute raison et d’une volonté ferme, tout n’était pas de nature à charmer Louis XVIII. La crédulité de Madame Royale, en ce qui touchait les sentimens que l’Empereur professait pour lui, dut le faire sourire ; il savait à quoi s’en tenir. D’autre part, sa nièce l’inquiétait en lui déclarant qu’elle était aussi heureuse à Vienne qu’elle pouvait l’être. Dans les attentions dont elle se montrait si reconnaissante, il voyait une continuation des efforts de sa famille d’Autriche pour lui faire préférer ce pays à la France. Du moins, il était désormais convaincu qu’elle ne tomberait pas dans ce piège. Il ne doutait ni de sa bonne foi ni de la sincérité de ses résolutions, et il ne lui restait qu’à hâter le moment où il pourrait enfin goûter le bonheur qu’il attendait de la présence auprès de lui de la fille qu’il venait de se donner.

Dans ce dessein, il écrivait à l’Empereur. Après l’avoir remercié des « procédés généreux et des soins délicats prodigués à sa nièce, » il lui faisait part officiellement du mariage projeté et lui demandait ses bons offices pour en faciliter la réalisation.

« Tous les sentimens, toutes les convenances, le vœu du feu Roi mon frère et de la Reine, celui des parens qui me restent, je puis dire celui que les tyrans de la France l’empêchent seuls de manifester, tout enfin en presse la conclusion. Le Pape a