Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 24.djvu/850

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de sa douleur et de sa rage, le chant de la Marseillaise monte à ses lèvres : Allons, enfans de la patrie ! il appelle le moment où « tous les Français réunis autour du trône » pourront chanter : Le jour de gloire est arrivé. « O génie de la France, veille sur cet enfant précieux, sur cette princesse adorée, la fille de tant de rois et que tu as conservée pour donner le jour à la race glorieuse que tu destines à régner sur les races futures ! »

Mais, bientôt le sang-froid lui revient. En prévision de la venue à Vienne du comte de Saint-Priest, que la cour d’Autriche déclare préférer, comme agent du Roi, à Choiseul-Gouffier, désigné déjà comme successeur de La Fare, il lui écrit pour l’intéresser à « la chose, » et le faire concourir à déjouer les vues de l’Autriche. Il le prévient que les dispenses sont obtenues, qu’il faut hâter autant que possible « le moment d’une union qui, à une autre époque, devrait être environnée d’éclat et dont, aujourd’hui, le sentiment, les larmes, la fierté et la misère doivent faire tous les frais, d’une célébration qui autrefois eût frappé tous les yeux et qui aujourd’hui touchera tous les cœurs. » Pour hâter ce moment, il faut qu’avant tout, la princesse soit remise entre les mains de son oncle sans mécontentement ni récrimination de la part de l’Empereur et qu’on dispose celui-ci à recevoir sans colère une lettre du Roi qui, en lui annonçant le mariage, lui fera sentir qu’on ne peut le célébrer que là où résidera Louis XVIII. Si ce but est impossible à atteindre, il faudrait que le Roi en fût promptement instruit « afin qu’il puisse aviser aux moyens de soustraire la fille de son frère aux mains qui s’en sont saisies. »

On devine à ces traits combien la situation est tendue, au moment où les inquiétudes de la cour de Vérone arrachent aux âmes enfiévrées des paroles aussi comminatoires.


II

Brusquement, tout change et s’apaise, grâce à de nouvelles lettres de Madame Royale. Le 3 mars, la poste en apporte trois à la fois, écrites à des dates différentes. La plus ancienne remonte au 30 janvier. Elle contient un engagement formel et décisif.

« Mon oncle, je suis extrêmement touchée de la bonté que vous avez de vous occuper de mon établissement. Vous m’avez choisi le Duc d’Angoulême pour mari ; je l’accepte de tout mon