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Bien en prend au Roi de s’être adressé directement à l’ambassadeur. A peine en possession de cette lettre, le chevalier d’Azara, sans attendre les ordres de sa cour, entame la négociation avec le Saint-Siège, obtient sans peine les dispenses, ne perd pas une minute pour en prévenir le roi de France et celui-ci, en même temps qu’il lit la lettre de Charles IV, lettre confuse, embarrassée et finalement négative, apprend par celle du chevalier d’Azara que les dispenses sont accordées.

Sur ces entrefaites, le duc de Villequier, que Louis XVIII, à son avènement, a nommé premier gentilhomme de la Chambre, débarque à Vérone pour prendre son service. C’est par lui qu’est confirmée la nouvelle de l’arrivée de Madame Royale à Vienne ; le 9 janvier. Il est donc vrai qu’elle n’a échappé au despotisme des meurtriers de son père que pour tomber au pouvoir des ennemis de sa patrie. Les premiers menaçaient sa vie, les seconds vont menacer son honneur en s’efforçant de la faire servir à leurs méchans desseins contre la France. Ils ont déjà éloigné d’elle Mme de Soucy. Cette compagne de route, malgré ses protestations, a été invitée à rentrer en France. On l’a remplacée par Mme de Chanclos, une Flamande, sujette de l’Empereur, qui a élevé sa première femme et qu’on doit supposer, par conséquent, toute dévouée à la famille impériale. Autorisés à rester à Vienne, si tel est leur désir, Hue et Cléry ne sont plus admis que par grâce en présence de la princesse. L’évêque de Nancy, La Fare, qui représente encore à Vienne le roi de France en attendant l’arrivée du comte de Choiseul-Gouffier qui vient de Saint-Pétersbourg pour le remplacer, ne peut lui-même communiquer avec Madame Royale. On lui fait sentir qu’il a cessé de plaire. Chargé par son maître d’apporter à la princesse une lettre, on lui refuse l’audience qu’il a sollicitée et c’est entre les mains de l’Empereur qu’il est tenu de déposer son message, que ce prince promet de faire parvenir à son adresse. Il est évident qu’une nouvelle captivité commence pour Madame Royale et qu’en persistant à écarter d’elle tout ce qui est Français, ainsi qu’on l’a fait pendant son voyage, on entend la rendre plus accessible aux moyens qu’on se propose d’employer pour « l’autrichienniser. » Quelles que soient ses résolutions, l’astuce de ceux qui l’entourent n’en aura-t-elle pas raison ?

Ces douloureuses perspectives émeuvent jusqu’à la fureur le sensible d’Avaray. Son patriotisme s’exalte. Dans l’entraînement