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l’empereur d’Autriche procéder à Rome à une démarche analogue en faveur de son frère qui, lui aussi, est le cousin de Madame Royale. Soucieux d’arriver premier, Louis XVIII » s’adresse au roi d’Espagne qui est un Bourbon. Il lui demande d’autoriser son ambassadeur auprès du Saint-Siège, le chevalier d’Azara, à prendre en main cette négociation.

« L’Empereur sera aussi obligé de recourir au Pape parce que son frère est cousin germain de ma nièce, tout comme mon neveu. Il est donc bien nécessaire de le gagner de vitesse. Il ne l’est pas moins de tenir secrètes les démarches pour obtenir la dispense elle-même, car, si l’Empereur venait à en être instruit avant le temps où il faudra bien qu’il le soit, cela pourrait lui donner le moyen d’y susciter des difficultés que la prudence ordonne d’éviter. Le Pape éluderait peut-être ma demande ; il ne se refusera pas à celle de Votre Majesté. »

Non content de recourir aux bons offices du pusillanime Charles IV, et bien qu’il soit loin de supposer que ce prince craignant de déplaire à l’Empereur refusera d’intervenir, le Roi écrit au chevalier d’Azara pour l’avertir de ce qu’il attend de lui. Plus explicite avec cet ambassadeur qu’il ne l’a été avec le roi d’Espagne, Louis XVIII lui expose les motifs pour lesquels il ne veut pas que sa nièce épouse l’archiduc Charles et veut qu’elle épouse le Duc d’Angoulême :

« Premièrement, un peu de fierté peut-être, mais qui vous paraîtra sûrement placée me fait regarder le second frère de l’Empereur, prince sans état, sans espérances d’en avoir puisque ses deux frères aînés ont des enfans, comme un parti peu convenable pour ma nièce, pour la fille unique du feu Roi mon frère.

« Secondement, je ne veux pas donner mon consentement à un mariage qui serait sans nul doute considéré en France comme un moyen, comme un premier acheminement vers le démembrement de mon royaume, chose pour laquelle mes sujets, tant bons que mauvais, ont une répugnance aussi naturelle qu’invincible.

« Troisièmement, les longs malheurs de ma nièce, son courage, ses vertus ont rassemblé sur elle un intérêt, lui ont valu un amour de la part des Français, dont il m’est bien essentiel de tirer parti et de me les approprier en la mariant à mon héritier naturel. »