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ses veines. Je vous ai donné des conseils, pardonnez-les-moi. Je ne connaissais pas encore bien votre âme ! »

Et après l’avoir remerciée du consentement tacite qu’elle donnait à son mariage avec son cousin ; après lui avoir révélé que les émigrés, redoutant qu’elle n’eût fait que changer de captivité, réclamaient à grands cris leur Duchesse d’Angoulême : « c’est ainsi qu’ils vous nomment déjà, » il terminait par ce douloureux aveu :

« Vous me demandez de rendre la paix à mes malheureux sujets. Hélas ! ma chère nièce, elle est dans mon âme, elle n’est pas dans mes mains… La politique infernale de Vienne me tient enfermé à Vérone loin de mes fidèles sujets qui m’appellent, comme vous l’êtes à Vienne loin de vos parens qui vous tendent les bras… Ah ! mon enfant, nous avons besoin de toute notre énergie et de toute notre constance. Si jamais mon âme pouvait fléchir, la vôtre deviendrait mon modèle. Mais qu’il nous suffise de marcher sur les traces l’un de l’autre. »

Dès le 18 janvier, Cléry repart pour Vienne emportant des valeurs pour cinq cents louis. Ces fonds, qu’on n’a pu réunir qu’en faisant une large brèche au trésor royal, sont destinés à la princesse. Pour les lui envoyer, le Roi s’est mis à la gêne. Mais, en ces circonstances, cela importe peu. Ce qui surtout importe, c’est que sa nièce soit en état de refuser des secours d’argent de sa famille autrichienne.

Pour le cas où celle-ci tenterait d’exercer une pression sur sa volonté, Cléry devra lui conseiller de la part du Roi de se présenter un jour à l’audience impériale et de déclarer publiquement, en présence des ministres étrangers, que pénétrée de reconnaissance envers son libérateur, elle entend néanmoins ne se conduire que d’après les conseils de son oncle. En même temps, un des plus fidèles serviteurs du Roi, le bailli de Crussol, est invité à se tenir prêt à partir pour Vienne. C’est lui qui sera chargé d’y prendre la princesse et de la conduire à Rome où elle résidera auprès de ses grand’tantes jusqu’au moment de son mariage.

Un autre objet s’impose à la sollicitude de Louis XVIII. Madame Royale et le Duc d’Angoulême étant du même sang, leur mariage n’est possible qu’autant que le Souverain Pontife y consentira. Il y a donc lieu d’obtenir de lui des dispenses et il faut y mettre d’autant plus de hâte qu’on doit s’attendre à voir