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une comédie idyllique dont il trace ainsi les grandes lignes et distribue les rôles.

« Mgr le Duc d’Angoulême, depuis longtemps, éprouve le plus tendre intérêt en voyant l’horrible captivité de sa cousine. Le dernier retard à la conclusion de l’échange, en l’alarmant plus que jamais sur son sort, a développé cet intérêt jusqu’à lui faire sentir vivement qu’il n’était pour lui ni bonheur ni repos tant que sa chère Thérèse ne serait pas hors de France, quel que soit le danger qui en résultât pour son vœu le plus cher. Il n’ignore pas qu’on n’a pas eu honte de lui parler de son mariage avec l’archiduc Charles au moment où, à peine, elle est hors des mains de ses assassins. Il se tairait, ne proférerait pas un vœu, ne laisserait pas percer le plus faible rayon d’espoir fondé sans doute sur les droits les plus sacrés s’il ne savait que la noblesse et l’élévation d’âme de Madame Thérèse lui tiendront compte de sa constance comme aussi de sa fermeté à un poste si, loin d’elle, mais en même temps si honorable. Il supplierait son père de le laisser se rapprocher de l’objet de sa tendresse dont la nouvelle captivité est si cruellement démontrée par la conduite qu’on tient envers elle et le soin qu’on prend d’éloigner d’elle tout Français. »

Il faut aussi « tâcher de monter la tête autant que possible, au Duc d’Angoulême, ce qui ne sera pas chose aisée, » le jeune prince étant d’un caractère et d’un tempérament naturellement froids. Ce sera l’affaire de son père, Monsieur Comte d’Artois et de Sa Majesté. Il leur appartient de lui écrire, de l’échauffer et d’obtenir de lui des réponses qui passeront sous les yeux de sa cousine et, sans qu’elle s’en doute, agiront sur son âme pure et sensible.

« Il faut ici du roman, s’écrie d’Avaray en terminant cette note. Je ne sais où me conduira mon entreprise. Mais, s’il arrivait que je succombasse, je n’aurais pas à me reprocher de n’avoir pas fait tout ce qui dépendait de ma position pour la gloire de mon maître, la confusion de la maison d’Autriche et le salut de ma patrie. »

Sans négliger ce qu’il peut y avoir d’utilisable dans l’ingénieuse invention de d’Avaray, le Roi, supposant que sa nièce n’a pas reçu ou ne recevra pas ses précédentes lettres, lui en expédie une nouvelle :

« Aussitôt que j’ai su votre sortie de France, ma chère