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qu’elle se manifesta sur-le-champ par une sorte d’émulation de bienveillance. On décida sans discussion que les délégués athéniens seraient admis à présenter les vœux de leur gouvernement, et, pour préciser l’objet de cette audience, M. Waddington donna lecture d’une motion préliminaire, conçue en termes généraux, mais qui promettait implicitement une large extension du royaume grec : d’après ce texte, les ministres du roi Georges seraient introduits quand il serait question, non seulement de leur pays, mais « des provinces limitrophes. » Une annexion était évidemment indiquée par ces derniers mots qui les autorisaient à réclamer beaucoup plus qu’une rectification de frontières et désignaient à leur espérance des provinces déterminées. L’assemblée paraissait fort satisfaite et cette rédaction allait être adoptée, lorsque lord Salisbury se leva et lut un Mémoire où il se plaçait dans un ordre d’idées plus flatteur en apparence pour les ambitions helléniques. Il demandait que les représentans de la Grèce fussent admis à participer aux travaux du palais Radziwill toutes les fois qu’il s’agirait des populations de leur race, sous le prétexte humanitaire que les groupes hellènes devaient être défendus comme l’étaient les intérêts slaves. Ces groupes étant disséminés dans tout l’Empire ottoman, un tel projet, s’il eût été accueilli, aurait attribué au Cabinet d’Athènes le droit de contrôler l’ensemble de l’administration turque. Ce résultat étant inadmissible, et non moins contraire à la politique du Congrès qu’à celle de l’Angleterre elle-même, on ne saurait croire que lord Salisbury ait eu l’intention sérieuse d’établir un pareil précédent. J’incline donc à penser qu’en offrant à la Grèce cette satisfaction illusoire, il cherchait seulement à l’écarter de la Russie qu’il affectait de considérer comme uniquement dévouée aux Slaves. En tout cas, ce Mémoire, qui risquait fort de lancer le royaume dans des chemins de traverse, et ne lui donnait aucun avantage réel, avait l’air de surenchérir sur la proposition française et d’ouvrir à l’hellénisme de plus vastes perspectives, de telle sorte que le Congrès l’écouta volontiers et même faillit être séduit par l’argumentation anglaise.

Notre plénipotentiaire eut alors le mérite de ne pas suivre ce courant, qui devait se ralentir si vite, et de maintenir énergiquement, au risque de paraître moins philhellène que lord Salisbury, le texte qu’il avait présenté. Il montra qu’en désignant « les provinces limitrophes du royaume » comme l’unique objet