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Notre loi date de 1832 ; elle est bien vieille. Mais ce n’est pas un désavantage ; et, pour des questions complexes, délicates, comme celles de l’avancement des officiers, la sanction du temps, l’ancienneté des traditions n’est pas une mauvaise chose. Il y a donc tout intérêt à garder notre vieille loi de 1832 ; sauf à y apporter les perfectionnemens répondant aux exigences des guerres actuelles, en ce qui concerne surtout l’instruction indispensable aux titulaires des différens grades de l’armée ; sauf à y introduire des garanties contre les influences étrangères au bien de l’armée et au souci de la défense nationale.

Tout d’abord, il faudrait ajouter à la loi que nul ne pourra atteindre le grade de chef de bataillon ou d’escadron, même à l’ancienneté, sans avoir satisfait à un examen constatant son aptitude. Le maréchal Bugeaud avait déjà réclamé cette disposition en 1832 ; depuis, l’importance du rôle de chef de bataillon n’a fait qu’augmenter.

La loi devrait accorder une majoration d’ancienneté d’un an aux officiers brevetés ; et de deux ans aux officiers sortant de l’Ecole supérieure de guerre, pour entrer dans l’état-major, après une troisième année d’Ecole, si toutefois l’on admettait la mesure de scinder en deux le service d’état-major.

Elle devrait spécifier, en outre, qu’en principe, les généraux de brigade seraient choisis parmi les officiers brevetés ; les généraux de division parmi les officiers sortis de l’état-major.

Enfin, il faudrait que la loi ne se contentât pas d’émettre des principes, en ce qui concerne l’établissement annuel des tableaux d’avancement ; elle devrait entrer dans les détails, multiplier les précautions pour permettre au vrai mérite de se faire jour.

Dans une monarchie, le souverain est à la fois le chef de l’Etat et le généralissime. Il a un intérêt personnel immédiat à empêcher l’armée d’être envahie par des faveurs imméritées ; car il sait que, tôt ou tard, il assumera la responsabilité de conduire cette armée contre l’ennemi. Dans une république, les ministres passent si vite, et la guerre peut leur paraître si éloignée, qu’ils sont poussés à profiter, sans tarder, de leur court passage au pouvoir, pour accorder les faveurs auxquelles ils tiennent personnellement, et celles qui leur sont demandées par leurs amis politiques. C’est une source de dangers, auxquels la loi doit porter remède. La force des institutions peut seule, dans l’État républicain, combattre les résultats de l’instabilité du pouvoir.