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faiblesse du haut commandement et des états-majors prussiens, la nécessité de réagir contre les procédés de guerre routiniers, pédantesques, imités de Frédéric II. Scharnhorst fit créer, en 1811, l’École générale de la guerre, qui devint plus tard l’Académie de guerre de Berlin. Avant 1810, il y avait bien à Berlin une Académie des Nobles, fondée par Frédéric II ; mais les études n’y dépassaient pas le niveau ordinaire des écoles militaires. L’Ecole générale de la guerre fut installée dans les locaux de cette ancienne académie. Scharnhorst y transforma l’enseignement terre à terre, donné jusque-là aux officiers. Au lieu de fonder l’étude de la stratégie sur des principes rigides, sur des règles précises, faites surtout pour fausser les idées, on procéda par l’étude approfondie des campagnes. On chercha à développer l’intelligence des officiers, leur jugement, par la discussion de faits précis, de décisions prises par les chefs les plus réputés, dans des circonstances nettement définies.

« Scharnhorst, dit von der Goltz, a transformé le misérable enseignement des officiers en une vraie académie. Une ère nouvelle d’études sur la guerre commença. »

L’Ecole générale de la guerre ne fut pas réservée exclusivement pour préparer des officiers d’état-major. Elle eut une destination plus large, plus relevée, qu’elle a toujours conservée depuis l’époque de sa fondation, depuis 1810. Elle fut consacrée « aux officiers qui, ayant déjà acquis des connaissances solides, voudraient les perfectionner, en ce qui concerne toutes les branches de la guerre, afin de pouvoir remplir les postes les plus élevés et d’être à la hauteur des situations les plus difficiles. » Chaque année, elle forma une élite intellectuelle d’officiers, qui répandirent dans l’armée les connaissances acquises, vulgarisèrent les hauts enseignemens, et contribuèrent à établir et à maintenir l’unité de doctrine dans toutes les armes, dans tous les grades.

D’un autre côté, les professeurs ont publié leurs leçons, les résultats de leurs études. La littérature militaire, qui là comme ailleurs se traînait péniblement, a pris en Allemagne un essor remarquable. L’écrivain le plus considérable, le plus justement honoré, celui qui a eu l’influence la plus incontestable sur l’éducation militaire, et par suite sur les destinées de la Prusse, est Clausewitz, l’auteur de la Théorie de la grande guerre.

Après avoir fait, dans les états-majors prussiens, les guerres de 1812 à 1815, le général Clausewitz fut pendant de longues