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ESCALES AU JAPON
(1902)

PREMIÈRE PARTIE


AVANT-PROPOS

A mes chers compagnons du Redoutable, en souvenir de leur bonne camaraderie pendant nos deux mois de campagne, je dédie ces pages, où j’ai voulu seulement noter quelques-unes des choses qui nous ont amusés, sans insister jamais sur nos fatigues et nos peines.

Ce n’est qu’un long badinage, écrit au jour le jour, il y a trois ans bientôt, alors que les Japonais n’avaient pas commencé d’arroser de leur sang les plaines de la Mandchourie. Aujourd’hui, malgré la brutalité de leur agression première, leur bravoure, incontestablement, mérite que l’on s’incline, et je veux saluer ici, d’un salut profond et grave, les héroïques petits soldats jaunes. Mais il ne me semble pas que le respect dû à tant de morts m’oblige d’altérer l’image qui m’est restée de leur pays.

P. LOTI.


Samedi, 8 décembre 1900. — L’horreur d’une nuit d’hiver, par coup de vent et tourmente de neige, au large, sans abri, sur la mer échevelée, en plein remuement noir. Une bataille, une révolte des eaux lourdes et froides contre le grand souffle mondial qui les fouaille en hurlant ; une déroute de montagnes liquides, soulevées, chassées et battues, qui fuient en pleine