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beaucoup de défense. C’est surtout lorsque M. Combes aperçoit M. Doumer qu’il crie aussitôt : Au voleur ! il n’a trouvé l’autre jour qu’un moyen d’échapper à une nouvelle tentative de M. Doumer : ç’a été d’accepter, après l’avoir combattue, la proposition de l’honorable président de la commission du budget. Il s’agissait d’une diminution de 200 000 francs sur les fonds secrets du ministère de l’Intérieur, qui s’élèvent à 1 200 000 francs. M. Doumer jugeait qu’un million suffisait à toutes les dépenses qui intéressent la sécurité publique, et que les 200 000 francs en surplus servaient à alimenter ce qu’il a appelé « le budget de la corruption, » c’est-à-dire les plus basses œuvres de M. Combes. Celui-ci a protesté avec indignation, s’est plaint, en a appelé à la justice de la Chambre. Lui, corrupteur, quelle calomnie ! Et où trouverait-il, grand Dieu ! des gens à corrompre ? Il est sûr que la signification donnée par M. Doumer à l’ « économie » qu’il proposait la rendait offensante pour M. le président du Conseil. C’était l’avis général ; on croyait que M. Combes combattrait jusqu’au dernier souffle de sa voix. La surprise a été grande lorsqu’il a déclaré qu’il ne s’opposait pas au retranchement des 200 000 francs. On a compris alors qu’il aimait beaucoup mieux les perdre que de risquer son portefeuille. — Vous avez cru me prendre ? semblait-il dire à M. Doumer ; mais j’ai plus de tours que vous ne croyez : que pensez-vous de ce dernier ? Vous voilà bien attrapé ! — M. Combes était sauvé, en effet, mais à quel prix ? On se tromperait en disant que c’est au prix de 200 000 francs ; il a laissé bien autre chose sur le champ de bataille. Quoi ? Un peu de sa dignité ! quantité impondérable qui ne saurait, si on le met dans un plateau de la balance, faire contrepoids au précieux portefeuille dans l’autre. Il n’en est pas moins vrai que, lorsqu’on en est là, on n’est pas bien solide. Ces moyens s’usent, s’il faut, pour continuer de vivre, y recourir souvent.

M. Pelletan a montré, lui aussi, ce dont il était capable à la veille de la discussion du budget de la Marine, pour détourner de sa poitrine les coups qui la menaçaient. Ce ministre est celui de tous qui, sans cesse à la recherche d’une popularité de mauvais aloi, a fomenté le plus de grèves. On connaît sa responsabilité dans celles de Marseille. Ce qu’on commence à savoir aussi, c’est que le désordre et l’anarchie envahissent nos arsenaux militaires, où régnait, il n’y a pas longtemps encore, la plus parfaite discipline. M. Pelletan n’a rien négligé pour convaincre les ouvriers maritimes qu’ils étaient des ouvriers comme les autres ; qu’ils avaient les mêmes droits de se syndiquer et