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Fondre nos misérables égoïsmes au feu d’une morale nouvelle. Revivifier à la source évangélique une religion de justice, sans paradis et sans enfer, une religion qui ne soit pas viciée en son essence par ces deux mobiles ignobles, l’intérêt ou la peur ! S’aimer les uns les autres et, pour s’aimer, tâcher d’abord de se comprendre…


Et c’est tout, et c’est peut-être un peu vague, mais le sentiment est très généreux : « D’un seul cœur, nous pourrons travailler alors à la réédification de la patrie ; » comme très généreuse était l’intention même dans laquelle les frères Margueritte ont écrit leur livre et qu’ils attestent solennellement en cette dédicace : « Aux vainqueurs et aux vaincus de la Commune, dont la bataille sacrilège acheva sous les yeux de l’étranger de déchirer la France ; à ces frères ennemis, pacifiés dans la mort et l’oubli, nous dédions ces pages en horreur et en haine de la plus odieuse des guerres. » Seulement, pour pacifier dans la mort et dans l’oubli les vainqueurs et les vaincus, il faudrait d’abord que ceux qui se portent pour leurs héritiers s’y prêtassent ; et puis, et surtout, que les traces de leurs luttes ne fussent pas encore vivantes jusqu’à nous révéler en quelque sorte les mobiles de leurs haines toujours agissans parmi nous,


CHARLES BENOIST.