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assassins du général Bréa. » A un autre point de vue, et en élargissant jusqu’au tableau le cadre du portrait, MM. Paul et Victor Marguerilte ont nettement dégagé le sentiment qui faisait dire à Félix Pyat, s’adressant à Emmanuel Arago : « Quel malheur que je sois ton prisonnier ! Tu aurais été mon avocat ; » et, par suite, nettement marqué l’espèce de solidarité, puisqu’il ne saurait s’agir de complicité, qui unit entre eux tous les coups de force, à ce point que, lorsqu’on s’appelle Fructidor, il y a quelque hypocrisie à flétrir Brumaire, et que le 4 septembre n’a guère le droit de se plaindre du 31 octobre, ni du 22 janvier, ni même du 18 mars. Tout est dans la manière dont tournent les révolutions, mais elles commencent toutes de la même façon.

Quant à la composition, non point littéraire ou artistique, mais historique ou politique, de ce tableau, les personnages y sont groupés exactement par affinités naturelles, et s’il n’y avait une apparence d’ironie à le dire de quelques-uns d’entre eux, en parentés spirituelles : les blanquistes, Eudes, Miot, Tridon, Granger, les frères Levraud, les frères Villeneuve, ayant pour organe un journal, grossièrement imprimé sur papier jaune, la Patrie en danger ; l’ancienne « Société des Saisons » et, depuis le 4 septembre, la « Société de la défense à outrance, » avec des blanquistes du second degré, tels que MM. Ranc et Clemenceau, des blanquistes libres, tels que Protot, Ferré, Rigault, et, en marge, les Flourens, les Sapia, les Tibaldi. Les jacobins, Delescluze et Cournet, ont pour organe le Réveil. Entre les jacobins et les blanquistes, théoricien et praticien de « l’action directe, » le futur directeur des domaines sous la Commune, Fontaine, se fait la main en fabriquant des bombes, aidé ou approuvé par Dupont et Razoua ; Félix Pyat déverse dans le Combat, dans le Vengeur, à l’admiration de son fidèle Gromier, le trop-plein de ses hyperboles et de ses truculences. Dans l’Internationale, Franckel, Malon, Assi, Varlin, Pindy, et Eudes probablement comme lien avec les blanquistes. Enfin, il y eut quelque temps quelque part un Comité des Cinq, composé de Fontaine et Dupont déjà nommés, du médecin Tony Moi lin, qui devait mourir fusillé, et de deux illustres inconnus, Petiau et Godineau. Voilà par qui, par quels groupemens, tiraillée jusqu’au bout entre le Comité central de la Garde nationale et les membres de la Commune qui se disputaient les morceaux, lambeaux et oripeaux, la révolution du 18 mars fut dirigée, si toutefois elle fut dirigée