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SOUVENIRS D’UN DIPLOMATE

RÉCITS ET PORTRAITS DU CONGRÈS DE BERLIN

II[1]
LES SÉANCES ET LE TRAITÉ


I

Les premiers plénipotentiaires anglais et russes étaient assurément, avec le prince de Bismarck, les personnages les plus en vue à la table du Congrès, parce que, sans cesse, ils croisaient le fer, et aussi parce que chacun d’eux occupait de longue date un rang supérieur parmi les hommes du temps.

La littérature et la politique avaient également illustré M. Disraeli : élevé depuis peu à la pairie sous le titre de comte de Beaconsfield, écrivain et orateur célèbre, chef de parti, il arrivait à Berlin, entouré du double prestige de sa renommée et de sa situation de premier ministre. Sa figure, très belle autrefois, maintenant jaune et ridée, gardait encore ses lignes régulières et un caractère intense de finesse et de volonté. C’était un grand vieillard maigre et légèrement voûté, dont les traits un peu bombés, les cheveux longs et bouclés, la barbiche pointue rappelaient l’ineffaçable type sémite : sa physionomie n’en était pas moins très anglaise, et elle eût même paru trop flegmatique si

  1. Voyez la Revue du 15 octobre.