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sur cette époque ou sur cet homme une vue d’ensemble mieux motivée, plus nette, plus exacte.

Ainsi en est-il de Versailles. Si l’étude des particularités de son passé, l’éloignement aidant, semble devenue l’objet d’une faveur nouvelle, c’est plutôt parce qu’elles touchent à Louis XIV et à ses successeurs, au milieu où ils vécurent, aux faits marquans qui se rattachent à leurs noms ou se préparèrent sous leurs règnes, à l’histoire même de la France, que parce qu’à une date lointaine telle somme fut dépensée, tel appartement modifié, tel bosquet ou tel bassin du parc supprimé. Mais, d’autre part, sans ces détails confirmés par d’authentiques et indubitables preuves, et qui ont aussi avec les annales de l’art français un lien étroit, l’histoire des XVIIe et XVIIIe siècles compterait de sérieuses lacunes, tant est vrai le vieil adage : Locus regit actum. Jamais et en aucun cas un document n’est insignifiant ; il s’agit seulement de fixer sa valeur, sans l’exagérer, ni la restreindre. Il faut donc savoir gré à ceux qui, par de patiens travaux, ont éclairci ces doutes, rectifié ces erreurs, sans oublier que l’intérêt grandit ou diminue beaucoup moins d’après l’aspect extérieur des objets et des lieux que proportionnellement à l’importance des acteurs qui y tinrent la scène, au degré de leur gloire ou de leur infamie, au bien ou au mal qu’ils accomplirent, aux sentimens de sympathie ou de réprobation que soulève leur mémoire, le tout étant d’empêcher que ces sentimens errent et se trompent, et de les ramener, le plus qu’il est possible, à l’équité, et à la justice historique.

C’est dans cet esprit qu’il faudrait apprécier ce passé de Versailles en même temps que les publications qui, en aidant à reconstituer et à préciser son cadre, permettent désormais de le connaître tel qu’il fut.


II

Jamais Versailles, auquel Louis XIII avait témoigné sa constante faveur, n’offrit plus d’agrément qu’en ses premières années, alors que Louis XIV, à peine échappé à la tutelle de Mazarin, en fit son séjour de prédilection. Les fêtes qu’il y donna sont restées célèbres, et, plus que toutes autres, celles de 1664, lors de ces « Plaisirs de l’île enchantée » où le jeune Roi et ses compagnons représentèrent les hauts faits des héros de l’Arioste.