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d’Adalric. Nous attendons que notre sol boive le flot germain et fasse réapparaître son inaltérable fond celte, romain, français, c’est-à-dire notre spiritualité.


Comme il éclate sur le sommet de la Montagne notre devoir alsacien ! Cette sainte montagne, au milieu de nos pays de l’Est, elle brille comme un buisson ardent. Ainsi éclairés nous ne nous perdrons pas dans les circonstances passagères et les accidens extérieurs. Nous n’avons pas à adapter notre devoir aux fluctuations du combat éternel des Latins et des Germains. Nous voulons nous attacher à une série d’activités qui se lient les unes aux autres, qui donnèrent des résultats et qui éveillent la vénération. Ceux qui élevèrent ces pierres, ce mur, ces menhirs, ce monastère, ont disparu, mais ce qu’il y avait, dans leur activité, qui était conforme à la vérité du pays, a subsisté. Cette énergie juste vit toujours en nous et veut être employée.

La romanisation des Germains est la tendance constante de l’Alsacien-Lorrain. — Telle est la formule où j’aboutis dans mes méditations de Sainte-Odile. Elle a l’avantage de réunir un très grand nombre de faits et de satisfaire mon préjugé de Latin vaincu par la Germanie. J’y trouve un motif d’action et une discipline. Dans l’état des choses, les Alsaciens et les Lorrains ne peuvent plus collaborer avec les Français ; cependant ils ne veulent pas collaborer avec les Allemands : faut-il donc qu’ils s’abandonnent ? Je leur propose et je me propose une théorie qui tient compte des rapports qu’il y eut toujours entre la France, l’Alsace-Lorraine et la Germanie, en même temps qu’elle nous justifie d’agir comme nous tendons naturellement à faire. Ainsi je puis dire que cette théorie contient de très nombreux faits historiques et tout notre cœur. Elle ordonne nos notions du passé de la manière qui satisfait le mieux notre esprit ; elle nous fait prévoir l’avenir tel que la générosité de notre sang nous commande de le prophétiser.


Si l’on ignore le malaise qu’éprouvent certaines personnes pour agir, tant qu’elles n’ont pas fondé leur activité sur un principe spirituel, l’on ne pourra pas comprendre mon allégresse dans cette fin d’automne, alors que la montagne et sa légende me devenaient une solidité et que je pouvais dire avec les simples : « Sainte Odile, patronne de l’Alsace ! »