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Bonaparte est à l’armée de la Loire : un mois. Une femme du peuple dit que si elle avait des Prussiens à loger chez elle, elle les empoisonnerait : huit jours de prison.

Paris opprimé ne se borne pas à fronder ; il s’emporte, il se défend, il attaque. Les cavaliers de la Maison du Roi ne peuvent se montrer isolément sans être hués et souvent assaillis. Un soir, à la Gaîté, deux gardes du corps s’enfuient par les derrières du théâtre. Telle est l’exaspération contre eux qu’il leur est donné, bien inutilement, car ils se font un point d’honneur de n’y point obéir, l’ordre secret de ne plus porter leur uniforme en dehors du service, afin de ne point provoquer de troubles. A toute heure, en maint endroit, il y a des rixes, parfois sanglantes, entre les habitans et les soldats alliés. Le jour, ceux-ci finissent par avoir le dessus, car ils sont armés et leurs patrouilles les secourent. Mais la nuit, on se venge. Malheur au soldat ivre qui se hasarde sur les quais déserts ! Le lendemain on repêche son cadavre dans la Seine. Wellington s’alarme : « Nous entrons dans une phase très critique, écrit-il à Castlereagh ; nous pouvons compter que, si un seul coup de fusil est tiré dans Paris, tout le pays se lèvera en masse contre nous. »


HENRY HOUSSAYE.