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arrivée, elles n’avaient pas crié : « Vive l’Empereur ! » et quand il avait très gentiment demandé une garde d’honneur de douze jeunes filles, pour remplacer ses gardes du corps, huit seulement sur plus de quatre cents s’étaient présentées ; les quatre autres avaient dû être désignées par la surintendante sous peine de sévère punition.

On se met en route. Quelques centaines de gardes nationaux, accourus à Saint-Denis pour acclamer le Roi les premiers, marchent en tête du cortège avec plus d’entrain que d’ordre, des lys dans les canons des fusils. Après les miliciens qui pressent le pas pour ne pas être bousculés par la cavalerie, s’avancent, les uns à cheval, d’autres à pied faute de monture, des gardes du corps, des gendarmes rouges, des grenadiers de La Rochejaquelein, des chevau-légers, des mousquetaires ; puis, en grand uniforme, les maréchaux Gouvion Saint-Cyr, Macdonald, Marmont, Oudinot, Victor, et les généraux retour de Gand, Maison, Reiset, Rochechouart, Bordessoulle, Beurnonville, « tous les héros sans peur et sans reproche, » selon l’expression du Journal des Débats. Le Comte d’Artois et le Duc de Berri chevauchent aux portières de la voiture royale, un vaste carrosse fermé, attelé de chevaux blancs, qu’escortent sabre au poing deux pelotons de gardes du corps. C’est ensuite, à perte de vue, une file de véhicules de toutes formes, cabriolets, fiacres, berlines, calèches, diligences, où s’entassent plus d’un millier de Parisiens et de Parisiennes arrivés à Saint-Denis depuis quelques heures. Des gardes nationaux, des bourgeois, des enfans et des femmes, des officiers et des soldats anglais en permission, toute une cohue disparate, cheminent couverts de sueur et de poussière sur les côtés de la route. Ce cortège pour une entrée triomphale donne l’impression d’un exode en désarroi.

Après une station à la grille de l’octroi où Chabrol, réinstallé le matin même à la préfecture de la Seine, harangue Louis XVIII, la colonne s’engouffre dans l’étroite rue du Faubourg Saint-Denis en criant : « Vive le Roi ! « D’abord ces cris ont peu d’écho. Les passans paraissent réfractaires à l’enthousiasme. Quand on débouche sur les boulevards où la garde nationale forme la haie, la foule, qui devient assez nombreuse, accueille le Roi par quelques acclamations. Elles se multiplient à mesure que le cortège avance vers la place Vendôme. On agite les mouchoirs ; en guise d’étendards royaux on pavoise avec des nappes et des serviettes. Aux abords des Tuileries, c’est un délire