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dispositions de la Chambre ! — Vous ajournez l’assemblée à demain parce que vous pensez que demain la force nous défendra l’entrée de cette enceinte. — Restons en permanence ! — Il faut achever la Constitution ! — Continuons de délibérer ! — Attendons l’ennemi ! — L’histoire nous jugera… Le président prend une responsabilité terrible. » Indifférent à cette responsabilité terrible, Lanjuinais descendit du fauteuil et gagna la porte.

Dans la soirée, il fut annoncé au Roi que son entrée dans sa bonne ville de Paris pourrait se faire le lendemain après-midi. Comme il signait la nomination du général Dessolles au commandement de la garde nationale, en remplacement de Masséna, celui-ci sollicita une audience. Le prince d’Essling venait de Paris pour adjurer le Roi, au nom de la garde nationale, de maintenir le drapeau tricolore. Louis XVIII lui épargna l’embarras d’aborder la question. « Ces couleurs-là sont bien vieillies, » dit-il en désignant du doigt la cocarde qui ornait le chapeau du maréchal. « Ce sont celles qu’on porte à Paris, répondit résolument Masséna. Si Votre Majesté prenait le parti de les prendre pour rentrer dans sa capitale, elle serait très bien accueillie. » Le Roi frappa du pied : « Non ! non ! monsieur le maréchal. Je ne prendrai jamais les couleurs d’une nation rebelle. »

C’était l’opinion dominante dans l’entourage royal. Marmont déclarait que « ce serait se déshonorer. » Le Comte d’Artois disait : « J’aimerais mieux prendre de la boue et la mettre à mon chapeau. »


IV

Le 8 juillet au matin, le comte de Boisgelin, chef de la 10e légion, vint occuper le Palais-Bourbon avec un détachement de trente gardes nationaux. Il avait l’ordre d’en fermer grilles et portes, et d’en interdire l’entrée aux représentans. Quand il donna cette consigne, ses hommes se récrièrent. Il renvoya les plus mutins, raisonna les autres, et finit par leur faire crier : Vive le Roi ! Peu d’instans après, arrivèrent les députés au nombre d’une cinquantaine. Ils parlementèrent avec les factionnaires en déclinant leurs qualités. On leur répondit qu’il y avait ordre formel de ne laisser entrer personne. « Nous allons