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boulevards extérieurs, de façon qu’elles ne traversent point Paris. Il faut surveiller Daumesnil et Hullin, dénoncés comme prêts à se mettre à la tête de l’armée en révolte. Il faut prendre toutes les mesures de sûreté, assembler la garde nationale, lui distribuer des cartouches, doubler les postes, renforcer les patrouilles, dissiper les rassemblemens, former aux Tuileries une réserve de miliciens et de gendarmes municipaux « afin de mettre hors d’atteinte de toute entreprise le siège du gouvernement. » Davout hésite à se montrer aux troupes ; il préfère leur adresser un ordre du jour portant que l’armée par son attitude imposante a sauvé Paris et sera la sauvegarde de l’honneur français et des couleurs nationales. Sur la prière de Caulaincourt, Carnot accourt à Montrouge. Il raisonne les généraux, il harangue les soldats. De tous les gens du gouvernement et des Chambres, c’est le seul qui ne soit pas suspect. Pour l’armée, il est encore le grand Carnot. Sa présence, ses paroles impressionnent. L’intervention de Drouot est peut-être plus efficace encore. Ce noble soldat, l’ami de l’Empereur, son compagnon à l’île d’Elbe, a conservé son autorité entière sur la Garde. Il parcourt les rangs de cette troupe d’élite, il la rappelle au devoir militaire, à la discipline ; il invoque l’esprit de corps, le passé d’honneur et de gloire, l’exemple à donner à l’armée. Sous sa parole ferme, les vieux soldats refrènent leur colère et, tout en grognant, se résignent à obéir. La conduite de la Garde que l’on connaît bientôt détermine celle des autres troupes. L’armée paraît disposée à évacuer Paris docilement.

Une nouvelle crise menace. Malgré les promesses, les avis officiels, les ordres du jour, on n’a pas encore reçu la solde arriérée dans un assez grand nombre de régimens. A l’instigation de certains officiers, qui espèrent ainsi faire renaître le tumulte sans en être responsables, les soldats déclarent qu’ils veulent bien partir, mais qu’ils ne s’en iront qu’après avoir été payés. Nouvelle émotion au gouvernement. Il n’y a ni argent au Trésor ni crédit chez les banquiers. Davout, qui comprend le péril, propose de faire une réquisition à la Banque de France. La Commission, toujours sans volonté, recule devant l’illégalité d’une pareille mesure. On s’adresse enfin à Jacques Laffitte, qui consent à avancer la somme nécessaire contre la garantie d’une inscription sur le Grand-Livre. C’est un bon emploi pour les trois ou quatre millions en or que Napoléon, huit jours