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sympathique aux étrangers. On le voudrait moins impérialiste et moins protectionniste ; mais il répondrait que c’est le vouloir moins américaniste et qu’on ne saurait l’être trop. Son concurrent, M. Parker, avait la prétention de l’être autant : il l’était toutefois un peu autrement. Il a été battu ; on aurait été surpris du contraire. Inconnu du grand public avant l’ouverture de la période électorale, tout ce qu’on a appris de son passé est qu’il était un juge parfaitement intègre, apprécié, estimé, aimé de tous ceux qui l’approchaient ; mais on ne pouvait pas en dire sur lui davantage. Son programme, qui était plein de bon sens, avait le défaut de ne pas parler aux imaginations. A la vérité, on pourrait en dire presque autant de celui de M. Roosevelt ; il n’y avait entre les deux programmes aucune différence fondamentale ; mais la personnalité de M. Roosevelt était autrement en relief que celle de son honnête compétiteur. Enfin l’habitude s’est établie en Amérique de nommer deux fois le même président : cela commence à devenir une tradition. M. Roosevelt disposait, non seulement de ses séductions personnelles, qui sont grandes, mais encore de celles du pouvoir qui le sont aussi : il aurait fallu qu’il eût soulevé par ses actes une forte opposition pour n’être pas réélu. La lutte, dans les derniers jours, a pris un caractère personnel assez fâcheux. M. Parker a reproché à M. Roosevelt d’avoir accepté ou sollicité l’appui des trusts qu’il avait combattus autrefois. Il est bien vrai que M. Roosevelt a été soutenu par les trusts qui ne l’ont pas toujours regardé, et pour cause, d’un œil aussi bienveillant ; mais le très honnête M. Parker était lui-même le candidat de Tammany, ce qui n’est pas une recommandation moralement préférable. Les démocraties se montrent de moins en moins sensibles à ce genre d’accusations. M. Roosevelt n’y a probablement pas perdu une voix. Son triomphe a été écrasant, et le voilà maintenu pour quatre ans à la présidence des États-Unis, où il sera désormais d’autant plus libre qu’une autre tradition ne lui permet pas de s’y présenter une troisième fois.

FRANCIS CHARMES.
Le Directeur-Gérant,
F. BRUNETIÈRE.