Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 24.djvu/471

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de la ville, sous une effroyable tempête, et parvient miraculeusement jusqu’à la ferme de son frère aîné. Là, il s’entretient d’abord d’Oscar avec sa mère, sans que celle-ci ait la moindre idée de reconnaître, dans l’étranger qui l’interroge, le fils bien-aimé qu’elle a vu s’éloigner d’elle, quinze ans auparavant. Il s’entretient ensuite avec sa fille, que sa grand’mère a élevée à chérir la mémoire de son père, et qui, de plus, se trouve être une admiratrice passionnée du génie musical de Christian Christiansson. Ainsi tout semble s’arranger le mieux du monde pour l’enfant prodigue. Les habitans de la ferme s’inquiètent de la vente du lendemain, qui va achever de les dépouiller : mais Oscar a, dans sa poche, cent fois plus d’argent qu’il n’en faut pour racheter la ferme. Sa mère et sa fille ne le reconnaissent pas : mais l’une lui a depuis longtemps pardonné, l’autre est, d’avance, toute prête à l’aimer. Reste bien Magnus, le frère, qui, sans doute, le hait encore : mais celui-là même ne songera certainement pas à lui faire grand mal, s’il apprend que, corrigé, réhabilité, glorieux et riche, il est revenu pour sauver les siens et pour vivre avec eux. Et cependant Oscar, — surpris et choqué, sans doute, de l’inexplicable obstination des siens à ne pas le reconnaître, — ne se décide pas à révéler son vrai nom. Il offre simplement à son frère d’adopter la jeune fille, s’engageant en échange à racheter la ferme. Magnus demande à sa nièce de répondre pour lui ; et comme l’enfant répond qu’il ne lui est point possible d’abandonner l’oncle qui l’a nourrie, Oscar, sans un mot de plus, va s’enfermer dans sa chambre. Là-dessus, l’honnête, le noble, l’héroïque Magnus, qui lui a vu entre les mains une liasse de billets de banque, forme le projet de l’assassiner pour lui voler son argent. Mais quand il pénètre dans la chambre de l’étranger, le lendemain avant l’aube, il constate que celui qu’il voulait tuer est parti, en laissant sur la table, à l’adresse de la jeune fille, une liasse de billets, toute sa fortune. L’enfant prodigue, décidément fatigué de vivre, est allé se jeter dans le cratère de l’un des volcans islandais.


Mais pourquoi ? se demandera-t-on, une fois de plus, pourquoi tous ces personnages s’entêtent-ils à faire toujours l’opposé de ce que semblerait leur commander la saine raison ? Pourquoi Magnus s’expose-t-il sans nécessité aux malédictions de son père ? Pourquoi Helga veut-elle dérober l’enfant de sa sœur ? Pourquoi le directeur du casino choisit-il, précisément, son chef d’orchestre pour tricher au jeu avec des cartes préparées ? Et pourquoi enfin Oscar, le compositeur de génie, l’homme le plus glorieux de son temps, va-t-il se tuer de cette