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peu à peu au piège mondain. Mais il n’y a pas de place pour ce genre de développemens dans cet acte entièrement rempli par deux scènes dont chacune est d’ailleurs en soi fort divertissante. Une modiste rapporte un chapeau. Elle est terriblement en retard. Et comme on lui demande la cause de ce retard invraisemblable, elle explique qu’elle aime, qu’elle est toute à cet amour pour un homme qui ne fait pas attention à elle, et qu’elle est très malheureuse. L’autre scène est celle de la visite d’un fâcheux, M. de Galbrun. Tandis que Soindres faisait à Mme de Gerberoy sa visite quotidienne, on annonce M. de Galbrun. Celui-ci est un homme du monde. Sa conversation est moins fournie d’idées générales que de commérages. Il faut, pour lui en savoir mauvais gré, n’être jamais sorti d’un cabinet de travail. C’est le cas de notre physiologiste. Aussi, dans son coin, Alceste, je veux dire Soindres, enrage. Par son attitude boudeuse et la rudesse de ses reparties, il fait sentir à M. de Galbrun qu’il est mal tombé et qu’il trouble un tête-à-tête. Ce savant est décidément fort incommode. Mme de Gerberoy ne peut s’empêcher de lui en faire l’observation : il répond en jurant qu’il ne mettra plus les pieds chez elle.

Deux mois se passent. Soindres et Mme de Gerberoy se retrouvent en séjour à la campagne dans la propriété de M. du Bois du Gant. Dans le parc, les invités causent joyeusement de choses indifférentes. C’est ici une moitié d’acte, un tableau assez court et assez vide. Nous apprenons cependant deux détails de quelque importance : l’un, c’est que le temps est orageux ; l’autre, c’est que Soindres s’occupe avec affectation d’une Mlle Motreff, s’égare ostensiblement avec elle dans les allées les plus étroites, et qu’en se Livrant, sous les yeux de Mme de Gerberoy, à ce manège classique, il a son idée. Qui eût chez ce physiologiste deviné ce roué ?

Mais Soindres nous réserve bien d’autres surprises. C’est la nuit, une chaude nuit d’été, et nous savons qu’il y a de l’orage. Mme de Gerberoy a eu l’imprudence de laisser sa fenêtre ouverte. Quelqu’un applique une échelle à son balcon ; en haut de l’échelle une tête apparaît : la tête de Soindres ! Et voilà expliqué ce titre de l’Escalade. Entre ce Roméo quadragénaire et cette Juliette veuve, nous allons assister à un grand duo d’amour : reproches, aveux, prières, promesses, toutes les phrases de roman et toutes les banalités coutumières. Mais l’orage et le tête-à-tête changent bien des choses. Cependant l’alouette chante, le jour reparaît, un jardinier qui passe enlève l’échelle. Mme de Gerberoy n’a plus qu’un moyen de sauver sa réputation compromise, c’est de s’appeler désormais Mme Soindres.