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remplacer pour l’un et pour l’autre l’absente. Elle a cru qu’en occupant la place laissée vide dans la famille, elle ne prenait la place de personne ; c’était une erreur ; et toutes les forces irréductibles de la famille, qui subsistent quand même, se sont liguées contre elle. Infortune de la fille, de la seconde femme, de l’épouse coupable, toutes situations dont chacune pouvait, à elle seule, commander tout le drame. Juxtaposées sur le même plan, elles se nuisent l’une à l’autre.

Il y a de même une certaine indécision et mollesse de composition : où va le drame, vers quel dénouement il s’oriente, on ne le sait pas au juste ; et les auteurs n’ont pas marqué d’un trait assez volontaire leur dessein qui était, je pense, de mettre la scène du drame dans le cœur de Pascaline, de nous faire assister à la lutte des deux influences qui se le disputent, pour aboutir à la victoire du bon génie sur le génie malfaisant. Ajoutez une certaine monotonie, des scènes, qui se répètent, un dialogue parfois traînant, une teinte uniformément tenue dans les gris : le tout formant une œuvre extrêmement honorable.

La Déserteuse est bien jouée par M. Gémier, un Forjot tout plein de franchise et de cordialité, par Mlle Marcilly, qui a de l’élégance et de l’entrain dans le rôle de Gabrielle Forjot, la déserteuse, par Mlle Jeanne Even qui s’est tirée à son honneur du rôle assez ingrat de l’institutrice épousée, par Mlle Sylvie, un peu gênée, semble-t-il, dans le rôle de Pascaline, mais qui reste une des plus brillantes étoiles de la jeune troupe. M. Albert Lambert n’a qu’une scène : il y est admirable. C’est au troisième acte, dans le bureau de l’agence des tournées Gabrielle de Ruys. Il vient se présenter pour l’emploi de père noble. Il s’y rencontre avec Pascaline qu’il prend pour une ingénue de théâtre, s’émeut en la voyant pleurer, la met en garde contre les dangers de la carrière, lui en révèle les misères, et lui donne sa bénédiction. Silhouette grandiose de Delobelle attendri !


De l’Odéon à la Renaissance, il y a loin ; et de la Déserteuse à l’Escalade la transition n’est pas ménagée. C’est ici le dernier ouvrage de M. Donnay, ce n’est peut-être pas le meilleur ; il est quand même agréable et on y trouve toutes les qualités et tous les défauts de cet auteur au talent facile. M. Donnay a une manière, qu’il est fondé à trouver bonne, puisqu’elle lui a presque toujours réussi. Elle consiste à prendre un sujet, à l’indiquer au public, et, chaque fois que se présente l’occasion de le traiter, à parler d’autre chose.

Ici, par exemple, il semble bien que M. Donnay nous invite à