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Chapuis, du 61e, tués vaillamment au milieu de leurs soldats. Le général de Saint-Pol et le commandant de Cornulier tombent, l’un après l’autre, mortellement frappés, sans avoir pu pénétrer dans l’ouvrage.

Une nouvelle attaque de la 2e brigade n’est pas plus heureuse ; son chef, le général de Marolles, atteint de plusieurs projectiles, y périt à son tour.

« La position de ma division, poursuit La Motte-Rouge, découverte sur son aile droite, prise de flanc et presque à revers par les feux du Petit Redan, devenait difficile ; les cartouches s’épuisaient. A une heure trois quarts, j’envoyais Multzer prévenir le général Bosquet de l’état des choses et lui demander des munitions et du renfort.

« Quand Multzer arriva dans la 6e parallèle, Bosquet venait d’être grièvement blessé par une bombe ; les médecins le pansaient. Dulac, le plus ancien divisionnaire des troupes combattantes, le remplaçait par ordre de Pélissier, qui, du Mamelon Vert, suivait toutes les péripéties de l’action. »

Pendant que La Motte-Rouge attendait du secours, il eut à repousser une attaque forcenée des Russes. Douze bataillons, conduits par le général-major Sabaschinski, débouchèrent du Petit Redan, se ruèrent sur la Courtine en longeant le parapet et parvinrent jusqu’à la grande batterie.

« Accueillis par le feu de mes hommes, ils s’arrêtèrent près de la coupure, les uns nous jetant des pierres par-dessus le parapet, les autres montant dessus pour tirer, à bout portant, sur les soldats entassés dans le fossé. En voyant cela, je me jetai au milieu des soldats, l’épée haute et mon képi au bout de mon épée. Ils m’accueillirent par le cri de : Vive l’Empereur ! Et, sautant sur les crêtes du parapet, envahi par les Russes, ils les eurent bientôt rejetés dans le Petit Redan. La brigade de Pontevès, des grenadiers de la Garde, vint renforcer la 5e division. Le général et le colonel Blanchard, du 1er régiment, furent tués à leur arrivée à la Courtine, où la brigade prit position. »

Mellinet, la mâchoire brisée par un éclat d’obus, dut passer le commandement au colonel d’Alton, du 2e grenadiers.

« Dans les grands dangers, dit La Motte-Rouge, la douleur se dompte vite ; l’énergie et le calme, qui sont l’apanage de l’homme de guerre, l’emportent, et le devoir est toujours là, dirigeant ses pensées et ses actions jusqu’à ce que sa mission soit accomplie ! »