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Les Français sont dans Malakoff !

À ce cri, répété sur toute l’enceinte de la redoute et entendu sous les blindages, un affreux désordre se produit dans ces abris, d’où les officiers et les soldats, pêle-mêle, cherchent à sortir. A mesure qu’ils paraissent, les zouaves et le 7e de ligne en font un horrible carnage. Un officier et 50 Russes s’enferment dans le réduit crénelé du rez-de-chaussée et y opposent une résistance qui se prolongera jusqu’à la fin de la bataille ; les autres, poussés de traverse en traverse, sont chassés de la redoute.

Au sommet de la tour, les trois couleurs remplacent le drapeau russe, qu’on remet à Mac Mahon, entré dans Malakoff avec les zouaves.

La redoute a une ouverture à la gorge, où convergent bientôt tous les feux de l’ennemi, revenant par masses. Mac Mahon fait fermer cette gorge et Malakoff est à l’armée française. A l’aile droite, la division Dulac, au signal de son chef, s’est emparée du Petit Redan et en a rejeté les défenseurs dans le faubourg Karabelnaïa. Mais la brigade Saint-Pol est bientôt entourée par les réserves russes qui, gravissant au pas de charge les pentes du ravin Outchakof, se trouvent en face de soldats essoufflés que leur ardeur a emportés trop loin. Ils les ramènent promptement dans le Petit Redan, y entrent avec eux, les en chassent et s’y établissent si solidement que la division Dulac ne pourra plus reprendre l’ouvrage.

Ce mouvement en arrière compromit, un instant, le succès de la 5e division. La brigade Bourbaki, qui s’étendait des Batteries Noires jusqu’à Malakoff, se trouvait tournée, sur sa droite, par les bataillons russes, du Petit Redan et elle était forcée de se replier sur le 49e et le 91e, qui occupaient la Courtine. Bourbaki, grièvement blessé, dut quitter le champ de bataille.

« C’est alors, écrit La Motte-Rouge[1], que m’arriva le 1er voltigeurs, amené par Multzer. Les voltigeurs, mêlés à mes soldats, rivalisèrent avec eux de courage et d’énergie ; leur colonel Montera fut mortellement atteint par un biscaïen. »

La 1re brigade de la division Dulac, soutenue par la 2e et par le bataillon des chasseurs de la Garde (commandant de Cornulier-Lucinière), tente vainement de reprendre le Petit Redan et d’enlever aux Russes les corps des colonels Javel, du 85e, et

  1. Souvenirs et campagnes (1804-1883). Tome II, Nantes, Emile Grimaud, 1889.