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tout des hommes d’action pratique et de vigoureux bon sens. Et, de cette contradiction entre l’absolutisme des principes et l’opportunisme des solutions, eux-mêmes, sans doute, ne se rendent pas entièrement compte ; ils n’ont pas appris, par un long abus de la logique abstraite et du raisonnement à vide, à séparer l’action de la pensée qui l’inspire et de la volonté qui la dirige ; les maximes philosophiques qu’ils répètent le plus volontiers, les théories dont ils paraissent le plus entichés, n’ont jamais, chez eux, qu’un sens relatif et restent soumises au dynamisme des réalités. Ainsi, dès qu’on traverse l’Atlantique, — et c’est à quoi il importe de prendre garde quand on prétend juger les choses d’Amérique, — les mots changent de sens et les formules de contenu.

Dès les premiers mois de l’occupation américaine, le programme de la politique qu’il convenait au gouvernement de Washington d’appliquer aux Philippines, va se précisant et s’affirmant. Dans un discours, au mois d’août 1899, M. Mac-Kinley en résumait ainsi, pour un immense auditoire, les lignes directrices : « Le drapeau américain doit rester là où il a été placé ; il doit y rester, non comme un symbole de despotisme et d’oppression, mais comme le symbole de la liberté et de l’humanité. Ce que le drapeau a fait pour vous, Américains, il le fera pour les peuples qui, par suite de la fortune de la guerre, sont placés sous notre protection. » Dans ses instructions au secrétaire d’Etat à la Guerre, le 21 décembre 1898, le président affirmait les mêmes principes ; il les répétait, le 8 janvier 1899, dans un message au général Otis et à l’amiral Dewey, il les donnait enfin comme instructions formelles à la première commission chargée, sous la direction de M. Schurman, d’étudier la situation et de chercher le meilleur régime à appliquer à l’archipel. Cette « commission Schurman » elle-même, dès son arrivée à Manille, au printemps de 1899, en pleine insurrection, lançait une proclamation aux indigènes où, énumérant les avantages de la domination américaine, elle disait :

1. — La suprématie des États-Unis doit être et sera renforcée de tous côtés dans l’archipel et ceux qui résisteront n’atteindront d’autre but que leur propre ruine.

2. — La plus ample liberté de self-government sera accordée aux Philippins, du moins toute la liberté conciliable avec le maintien d’une administration sage, juste, stable, effective et économique des affaires publiques