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POÉSIES

SOIRS DOULOUREUX

CRÉPUSCULE MYSTIQUE


L’adieu du soleil triste aux coteaux pâlissans
Se prolonge en reflets d’ambre rose. Une brume
Gagne à l’Est. Un point d’or au firmament s’allume,
Vers qui semble monter l’ombre comme un encens.

Je m’arrête. Je rêve aux jours adolescens,
Aux jours anciens, aux jours vécus sans amertume,
Et rien n’est comparable aux espoirs que j’exhume
Lorsque, attendri, vers ma jeunesse je descends.

Une âme si lointaine au fond de moi s’éveille
Et si douce, ô grand soir, dont s’éteint la merveille,
Que mon corps de poussière infime est aboli ;

Et je sens, caressé d’un songe qui m’enivre,
S’évanouir comme en un léthargique oubli
L’épouvante d’être homme et l’angoisse de vivre.