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résultats incertains… On a été obligé de constater que les recherches ont été le plus souvent infructueuses… En ce qui concerne les nombreuses valeurs étrangères et industrielles, il va sans dire qu’on n’a pu relever aucune indication… Dans de telles conditions, la presque-totalité des revenus mobiliers a dû être appréciée uniquement d’après la notoriété publique, et l’estimation des répartiteurs !… »

Voilà donc une portion considérable des revenus du pays qui n’a pu être appréciée ! C’est la notoriété publique et l’estimation des répartiteurs qui seules pourraient servir de criterium à l’administration. On devine aisément où de tels guides conduiraient les arbitres du futur impôt sur le revenu !

L’enquête fut-elle plus heureuse dans sa recherche des « bénéfices du commerce et de l’industrie ? » Encore moins. Ses aveux d’impuissance ont quelque chose de touchant. On y sent la tristesse et le dépit de professionnels, fiers à juste titre de leur habileté, de leur savoir, et pourtant contraints de s’avouer vaincus par la force des choses : Javert en déroute. Ici, dit l’enquête, nous fûmes aux prises avec « des difficultés considérables. » Dans les villes, il a fallu tirer au jugé. On a évalué les revenus « d’après l’importance du loyer, le nombre des employés ou des ouvriers, le nombre des machines, etc. » (comme s’il y avait un rapport fixe et certain quelconque entre ces élémens et l’importance des bénéfices). Toutefois, « on s’est heurté à des difficultés insurmontables lorsqu’il s’est agi d’évaluer les revenus du haut commerce (fabricans de soieries à Lyon, armateurs à Marseille) et de certaines professions libérales (médecins, avocats, artistes, etc.). » Dans les communes rurales, on a dressé le bilan imaginaire de tous les imposables : épiciers, merciers, marchands de tissus, boulangers, bouchers, fabricans de briques, marchands de chevaux, de bestiaux, cabaretiers, aubergistes, etc., etc. Nombre des fournées, quantité de farine traitée journellement, nombre de jours de foire, de marché, bénéfice par kilo, pour le boulanger ; même compte pour chacun. On n’a rien oublié, excepté le coefficient individuel qui change tout, qui est tout, en vertu duquel tel négociant prospère s’enrichit, tandis que tel autre, son voisin, dans la même rue, exerçant le même métier, présentant les mêmes apparences, se ruine ; si bien que tous ces calculs sont aussi faux que puérils, et qu’il n’en est pas un seul qui soit, qui puisse être exact. Au fond, difficultés