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A Paris, le minimum était les valeurs locatives de 500 francs à 2 000, multipliées par 4 ; et le maximum, les valeurs locatives de 15 001 francs et au-dessus, multipliées par 10 ; avec les cinq catégories intermédiaires.

Je néglige les dispositions de détail. On voit le système. On voit combien il ressemblait au projet actuel du gouvernement Il fut renvoyé à une commission spéciale de H membres, présidée par M. Lesguiller, député radical et ministériel. MM. Goblet et Dauphin, convoqués devant la commission, exposèrent qu’ils avaient voulu en réalité organiser un véritable impôt sur le revenu, en prenant pour base un signe extérieur : la valeur du loyer d’habitation.

La commission examina avec tout le soin possible le projet, dans un rapport déposé le 10 mai 1887 par l’auteur de ces lignes.

Le rapporteur, après avoir rappelé les tentatives antérieures, faisait remarquer qu’il se dégage de cet ensemble de faits répétés, et répétés dans des circonstances politiques si diverses, un vrai principe, formulé par les choses elles-mêmes, singulièrement plus fort et plus sûr, en pareille matière, que s’il résultait des conceptions de la logique pure ; ce principe, c’est que, dans notre pays, dans l’état actuel des mœurs, de la répartition de la richesse, des habitudes, des conditions économiques de la vie, il est faux que « la valeur locative de l’habitation soit la mesure de la richesse, » et puisse servir de base à un prétendu impôt sur le revenu. Dans les grandes villes, le logement qu’on occupe est souvent imposé par les circonstances, par les nécessités professionnelles, par les conditions de la famille, par les besoins de l’éducation des enfans, de sorte que tel chef de famille, beaucoup moins riche que tel autre ou que tel célibataire, est forcé de supporter un loyer qui le soumettrait, dans le système du projet de loi, à un impôt beaucoup plus élevé cependant que celui qui frapperait ces derniers. Dans les campagnes, au contraire, c’est-à-dire dans la grande majorité de nos 36 000 communes, la valeur locative de l’habitation personnelle est sensiblement identique chez tous les cultivateurs, quelles que soient les différences de fortune qui les séparent. Tel cultivateur, dix fois, vingt fois plus riche même que son voisin, ne consacre cependant pas à son habitation personnelle des locaux d’une valeur locative supérieure, — et, par conséquent, payerait le même impôt, dans le