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répartition devra être ordonnée en 1842, et appliquée en 1843. Cette fois, on le jure, c’est définitif !

Le travail recommence donc : le ministre des Finances expédie de nouvelles circulaires prescrivant les détails de l’enquête de la façon la plus minutieuse. Trois ans s’écoulèrent depuis 1838, pour le travail préparatoire ; on arriva ainsi en 1841, avant que les contrôleurs pussent se mettre en route de commune en commune. L’opinion publique, cependant, s’était éveillée. Tant de voyages, tant de formalités, tant d’enquêtes, de commissions, de commissaires, de contrôleurs, d’inspecteurs : que faisait-on ? La presse commença une campagne des plus vives : l’impôt allait donc tomber dans les mains de l’administration, qui le fixerait à son gré par l’intermédiaire de ses contrôleurs, puisque ceux-ci en établiraient les bases à leur gré ?… Que deviendraient les garanties des particuliers ?

Il y avait alors une opinion publique, des idées générales, des principes, même des « citoyens, » quoiqu’il n’y eût guère que 200 000 électeurs ; il y avait même des contribuables soucieux de leur propre sort, quelque invraisemblables que tant de prodiges nous paraissent. L’émotion générale grandit. Les contrôleurs, qui avaient travaillé assez tranquillement, tant que personne ne s’était aperçu de leur besogne, rencontrèrent tout à coup les plus sérieuses difficultés ; elles grandirent si rapidement qu’elles éclatèrent bientôt en émeutes. On ne vit point des bandes armées menacer les usines, envahir les chantiers, suspendre violemment le travail dans les villes, dans les campagnes, mais des bandes armées défendant les droits des contribuables contre l’arbitraire de l’Etat : phénomène plus surprenant encore, et qui montre assez combien de siècles séparent en réalité notre heureux temps de cette époque barbare, ce fut à Toulouse, — oui, à Toulouse, Haute-Garonne, — que fut donné le signal de ces soulèvemens populaires pour le droit et la liberté ! Une première manifestation s’y produisit, au mois de juin, avec un caractère si général que le préfet, M. P. Floret, crut prudent d’ordonner l’arrêt de recensement. Le ministre le révoqua et le remplaça par M. Mahul, maître des requêtes au Conseil d’Etat, chargé de la police générale du royaume. Son arrivée à Toulouse déchaîna l’orage. Le 12 juillet, la ville se hérisse de barricades, la foule se répand dans les rues, sur les places, devant la préfecture, réclamant à grands cris la convocation de la garde nationale, qui