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système proposé, le plus sûr moyen est-il de rappeler, dans ses traits principaux, l’aventure de ces lois : il n’est enquête qui vaille cette histoire.

Trois gouvernemens précédens, aussi différens que la Révolution, la Restauration, la monarchie de Juillet, ont essayé de la meilleure foi, avec les plus grands efforts, d’établir un impôt, fort modéré, d’après le principe aujourd’hui proposé en des conditions bien moins favorables qu’autrefois et pour obtenir une somme beaucoup plus considérable. Ils ont tous également et lamentablement échoué ; on le verra.

Comment les profonds échecs antérieurs se changeraient-ils en succès ?


I

Une des premières préoccupations de l’Assemblée constituante, en 1789, fut de réorganiser les finances et l’ensemble des impôts. Elle était trop éclairée, trop généreuse, avait vu de trop près les abus de l’ancien régime, avait abandonné et condamné d’un cœur trop sincère, dans la nuit du 4 août, tous les privilèges, pour chercher dans le système fiscal des instrumens de spoliation sociale, de discordes civiles, de guerre des classes. La Révolution ne cessa jamais, même aux jours des plus tragiques fureurs, de considérer la propriété individuelle comme l’un des droits primordiaux de l’homme et comme l’une des conditions essentielles de la civilisation et du progrès. Le jour où la Convention se constituait, elle s’empressait, en même temps qu’elle proclamait la République, de décréter, sur la proposition de Danton « que les personnes et tes propriétés sont sous la sauvegarde de la Nation. » « D’excellens citoyens ont pu présumer, — avait dit le grand tribun, — que des amis ardens de la liberté pouvaient nuire à l’ordre social en exagérant leurs principes ; eh bien ! abjurons ici toute exagération ; déclarons que toutes les propriétés territoriales, individuelles et industrielles seront éternellement maintenues », et le procès-verbal constate ici : Applaudissemens unanimes. « Si les propriétés de chacun n’étaient pas sous la protection des lois, — avait ajouté Lasource, — la société ne serait qu’un théâtre de brigandage, où il n’y aurait d’autre droit que celui de la force. (Applaudissemens unanimes.) »

Ce n’est donc pas la Révolution qui aurait pu penser à