Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 24.djvu/282

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

faire attention ; mais si l’on vous en faisait de directes, voici la réponse que je désire que vous y fassiez : Je fus engagée avec mon cousin le Duc d’Angoulême par mon -propre vœu et par la volonté du Roi mon oncle, entre les mains duquel j’ai déposé mon engagement. Cette réponse, soyez-en sûre, vous débarrassera de toute proposition ultérieure.

« J’ai été touché jusqu’aux larmes de la bonté de votre cœur envers les Français égarés et, si j’en trouve le moyen, je ferai connaître ce trait en France ; je n’en connais pas de plus propre à ouvrir les yeux des plus aveugles. Le pardon que vous me demandez pour eux est écrit dans mon cœur ; je ne suis pas frère de votre père pour rien et je me trouve heureux d’avoir ce trait de ressemblance avec lui. Je vous remercie des vœux que vous m’apportez de la part des bons Français ; je me rends auprès de vous l’interprète et le garant des leurs pour vous, et particulièrement de ceux qui m’approchent de plus près. »

Peut-être sera-t-on surpris du dernier paragraphe de cette lettre répondant à une prière qu’à quelques jours de là, Madame Royale allait renouveler avec plus d’insistance. Il n’exprime pas entièrement, en effet, l’opinion du Roi et moins encore celle de d’Avaray qu’on avait entendu maintes fois la proclamer avec tant de fougue. Mais il importait avant tout de ménager le cœur jeune et sensible qu’on voulait conquérir ; il fallait lui donner sans marchander les satisfactions qu’il sollicitait. À cette nécessité dont le Roi se sentait aussi pénétré qu’il était désireux de marier sa nièce au Duc d’Angoulême, il eût, en ce moment, volontiers sacrifié les vengeances futures que d’Avaray lui présentait comme un moyen politique qu’à sa rentrée dans le royaume, exigerait l’intérêt de la couronne.


ERNEST DAUDET.