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copie de votre lettre à mon frère et à mon neveu, qui, depuis longtemps, ont déposé dans mon sein leurs vœux et leurs espérances à votre égard[1]. Mon frère ne s’y trompera pas, il verra bien ce que vous voulez dire ; mais permettez-moi de plaider la cause de mon neveu qui, plus timide et moins expérimenté que son père et moi, ne verra peut-être pas aussi clairement que nous l’engagement que vous prenez dans votre lettre. Je vous prie donc, en répondant à celle-ci, de me dire quelque chose que je puisse lui faire voir et qui prouve que ce sera sans répugnance que vous accepterez l’époux que votre père et votre mère vous avaient choisi, lorsqu’il était à leur égard à peu près dans la même position où il se trouve à présent au mien, et qu’ils vous choisiraient encore, si nous étions assez heureux pour qu’ils fussent à ma place. Les choses sont bien changées depuis ce premier choix ; c’était un trône qu’ils vous assuraient ; aujourd’hui, c’est un trône ou une chaumière, il n’y a pas de milieu. Le premier est plus brillant, l’autre n’est pas moins noble et, avec une âme comme la vôtre, l’alternative est indifférente.

« Je ne peux pas me persuader que l’Empereur qui ne peut ignorer le vœu de vos parens, ni toutes les raisons de convenance qui semblent avoir écrit dans le ciel même votre mariage avec le Duc d’Angoulême, et qui ne m’a pas fait la moindre ouverture à ce sujet, veuille vous proposer un autre mariage. Cependant, quand je songe au refus réitéré qu’il m’a fait de vous rendre à ma tendresse, quand je réfléchis que M. le prince de Condé, s’il avait encore été aux environs de Bâle, n’aurait pas eu la permission de vous voir à votre passage en mon nom ni au sien, que M. d’Avaray mon ami, que j’avais envoyé à Inspruck vous porter les assurances de ma’ tendresse et de mon bonheur de vous savoir libre et en sûreté, s’est vu forcé de sacrifier à la prudence et à la nécessité d’éviter un refus public, qui serait devenu une scène scandaleuse, l’espoir de vous présenter, avec la lettre dont je l’avais chargé, l’hommage de son respect et de son attachement ; quand je réfléchis, dis-je, à toutes ces circonstances, il m’est impossible d’écarter tout soupçon, et je crois vous devoir des conseils à cet égard.

« Si l’on ne vous fait que des propositions indirectes et par des voies subalternes, il est au-dessous de vous de paraître y

  1. il n’en existe pas trace dans leur correspondance antérieure.