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était partie de Paris, personne n’avait pu l’entretenir des intentions de Louis XVIII, puisque personne ne les connaissait. Mme de Tourzel n’en raconte pas moins dans ses Mémoires qu’elle l’en entretint au cours de ses visites dans la prison du Temple et qu’elle les appuya en révélant à la princesse qu’elles étaient conformes à la volonté de ses parens, dont elle déclare tenir la confidence de Marie-Antoinette elle-même. Si respectables que soient ces dires rédigés de longues années après les événemens qu’ils relatent, l’invraisemblance en est trop frappante pour qu’il y ait lieu d’y ajouter foi. Ils sont d’ailleurs formellement contredits par la lettre du Roi, en date du 29 septembre, citée plus haut, où Louis XVIII, en réduisant à ce qu’elles valent les intentions hypothétiques des souverains défunts, avoue la part d’invention qu’il se propose d’y ajouter et précise, en lui donnant son véritable caractère, ce que Mme de Tourzel appelle « le vœu bien prononcé » de Louis XVI et de Marie-Antoinette. En réalité, il y avait déjà près d’une semaine que Madame Royale s’était mise en route lorsque, ainsi que l’établit la correspondance qui nous sert de guide, elle entendit parler pour la première fois de son futur mariage avec son cousin, le Duc d’Angoulême. On remarquera aussi qu’elle avait consenti, sans protester, à se rendre à Vienne, qu’elle n’avait pas demandé à être conduite à Rome, et qu’elle n’exprima pas le désir de voir le prince de Condé, ce qui achève de démontrer que ni les agens de Paris, ni Mme de Tourzel n’avaient pu lui communiquer les instructions du Roi son oncle.

Le 26 décembre, le prince de Gavre, envoyé de l’Empereur, venu jusqu’aux environs de Bâle à la rencontre de Madame Royale, l’avait reçue des mains des autorités françaises. C’est lui qui devait la conduire à Vienne. Le 30, elle arrivait à Fuessen, dans le Tyrol, non loin d’Inspruck. Outre ses domestiques, elle avait avec elle Mme de Soucy, la compagne que lui avait donnée le Directoire, et Hue, dont le dévouement à ses parens n’avait été égalé que par celui de Gléry. A Fuessen, elle prit un repos de vingt-quatre heures. Là, comme aux différentes étapes de sa route, plusieurs de ses compatriotes se présentèrent pour lui offrir leurs hommages. Mais elle n’eut pas la liberté de les recevoir. La porte de son appartement rigoureusement surveillée par la police autrichienne et fermée à tout ce qui était Français ne s’ouvrit que pour son grand-oncle, l’électeur de Trêves et la