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départ de Madame Royale n’était pas encore fixée, il n’avait pu que confier son indignation, ses regrets et les intentions du Roi à un gentilhomme bourguignon, M. de Rancy, descendu dans la même auberge que lui. M. de Rancy avait promptement gagnô sa confiance en lui apprenant qu’il était le cousin de Mme de Soucy et en s’offrant pour faire parvenir à Madame Royale, par l’intermédiaire de sa cousine, auprès de laquelle il espérait arriver, les communications que le Roi destinait à sa nièce.

D’autre part, d’Avaray avait rédigé pour les agens de Paris une note qui ne leur parvint qu’après le départ de Madame Royale et dont, par conséquent, ils ne purent faire usage.

« Comme il paraît, y était-il dit, que le projet d’échange se soutient et que l’exécution n’en est que retardée, il importe d’inspirer à la jeune princesse la plus grande aversion pour Vienne en lui laissant entrevoir que l’intention est de la marier à un archiduc qui, outre la disconvenance d’un pareil parti pour elle, lui donnerait un époux qui tombe du haut mal. Il sera bien aisé de la séduire par la comparaison en lui faisant tel qu’il est le portrait de M. le Duc d’Angoulême que le Roi lui destine avec l’expectative de la couronne. On pourra lui faire sentir que ce jeune prince choisi autrefois par le feu roi et la reine lorsqu’ils n’avaient pas d’enfans mâles, choisi maintenant par le Roi pour assurer son bonheur est le seul parti dans l’Europe, dût-il même être longtemps malheureux, qui convienne à une princesse du sang de France qui n’a à porter pour dot à tout autre que son infortune ou le prétexte à de nouvelles intrigues pour déchirer de nouveau sa patrie.

« La jeune princesse écoutera d’autant plus volontiers ces insinuations qu’elle est noble, fière et très mal disposée pour l’Autriche et ses tantes autrichiennes dont elle craint la tutelle. On pourra donc facilement parvenir, au cas où l’échange aurait lieu, à lui faire demander à grands cris de voir le Roi et d’être conduite à Rome auprès de ses tantes françaises. Elle le pourra même en gardant la nuance de sensibilité et de reconnaissance envers l’Empereur qui lui rend la liberté. Si elle passait à portée de M. le prince de Condé, il serait désirable aussi qu’elle témoignât la volonté de le voir. »

Ni cette note ni les lettres adressées à Mme de Tourzel n’étant, comme nous l’avons dit, parvenues à leur destination en temps utile, il en résulte positivement que lorsque Madame Royale