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son âme avec une violence que quatre années d’attente ne devaient pas apaiser.

La lettre que du fond de sa prison, en réponse à celle de son oncle, Madame Royale lui avait écrite le 5 septembre, était arrivée à Vérone, nous l’avons dit, le 18 du même mois. Ce jour-là, jusqu’à une heure avancée de la soirée, le Roi et d’Avaray restèrent en conférence, s’entre tenant de l’événement qui promettait d’éclairer la morne solitude de l’exil de la présence d’une jeune princesse pure et charmante, ennoblie par ses malheurs. Hue avait écrit qu’elle ne tarderait pas à quitter Paris. Sur le territoire de Bâle, elle devait trouver les envoyés autrichiens chargés de la recevoir et de la conduire à Vienne. Si donc le Roi, empêché de se porter sur son passage, voulait communiquer avec elle, il n’y avait pas une minute à perdre. Il était tenu de désigner immédiatement ses messagers et ceux-ci de se mettre en route dès qu’aurait été fixée la date à laquelle prendrait fin la captivité de Madame Royale.

Le choix des messagers, ne fut ni long ni difficile.

— C’est vous que je choisis, mon ami, dit le Roi à d’Avaray, le prince de Condé et vous.

Le prince de Condé était aux bords du Rhin. D’Avaray irait lui faire connaître les ordres du Roi et, ensemble, ils décideraient sur quel point de l’itinéraire suivi par la princesse pour aller de la frontière à Vienne, il leur serait le plus aisé de la rencontrer. Il fut en outre décidé que d’Avaray emporterait deux lettres de son maître, l’une toute de sentiment destinée à Madame Royale, l’autre destinée à Mme de Tourzel qui, sans doute, serait autorisée à accompagner la voyageuse. Le Roi comptait sur l’ancienne gouvernante des Enfans de France pour faire entendre à sa nièce des conseils qu’il jugeait nécessaires en vue de son séjour à la cour de Vienne, auprès de l’Empereur son cousin.

Ces lettres furent écrites le lendemain. Le retard apporté au voyage de Madame Royale allait les rendre sans objet et elles ne purent être utilisées. Elles méritent cependant de trouver place dans ce récit parce qu’elles trahissent d’une part la vive affection qui s’éveillait déjà dans le cœur de Louis XVIII pour la future Duchesse d’Angoulême, et d’autre part les soupçons que lui inspirait l’empressement qu’avait déployé le gouvernement autrichien, la période de la Terreur une fois close, pour se faire remettre la fille de Marie-Antoinette.