Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 24.djvu/269

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’Avaray de retenir son maître au bord du gouffre où risquait de sombrer la dignité royale. En 1791, il lui avait sauvé la vie ; en 1794, il lui sauvait l’honneur.

En terminant le récit de cette suggestive et piquante aventure, d’Avaray s’excuse auprès de ses futurs lecteurs d’être entré dans d’aussi longs détails tout en faisant remarquer qu’ils étaient nécessaires pour éviter qu’on ne l’accusât de n’avoir pas voulu tout dire. Ce que toutefois il ne dit pas, mais ce que les circonstances ultérieures allaient démontrer, c’est que sa conduite lui fut un nouveau titre à l’affection de Monsieur. Désormais, ce devait être entre eux à la vie et à la mort, et quelques mois plus tard, à peine roi, Louis XVIII donnait à son ami un témoignage éclatant de ses sentimens en l’associant aux espoirs qui s’éveillaient en lui, et à tout ce que, dès ce moment (septembre 1795), il entreprenait pour les réaliser.


III

Tandis que le nouveau souverain prenait possession du pouvoir royal sous le nom de Louis XVIII avec autant d’assurance sereine que si la couronne eût été à portée de sa main, il apprenait un autre événement aussi propre à adoucir les tristesses de son exil que l’avait été pour les aggraver le trépas de son neveu. Au lendemain de ce malheur, l’empereur d’Autriche François il avait demandé au gouvernement de la République de remettre entre ses mains la sœur du défunt : sa cousine, Marie-Thérèse-Charlotte de France, fille de Louis XVI et de Marie-Antoinette, alors âgée de dix-sept ans, encore détenue au Temple et seule survivante des membres de la famille royale, avec qui elle y avait été enfermée le 10 août 1792. En échange de cette princesse, l’Empereur offrait de mettre en liberté le général de Beurnonville, ancien ministre de la Guerre et les représentans du peuple, livrés avec lui à l’Autriche par Dumouriez au moment de sa défection. La Convention avait accepté ces offres et, le 12 messidor (30 juin), invité le Comité de Salut public à négocier avec les représentans de l’Empereur. La négociation promettait d’aboutir et la délivrance de la captive, Madame Royale, n’était plus qu’une affaire de jours.

Presque en même temps, des lettres de Paris venaient apprendre au Roi que sa nièce était dans sa prison l’objet de traitemens