Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 24.djvu/242

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

M. le président du Conseil, n’a pas eu de peine à montrer, pièces en mains, qu’on a rompu parce qu’on voulait rompre. Si on ne l’avait pas fait sur cet incident, on l’aurait fait sur un autre. Le parti pris était évident. Au reste, M. le président du Conseil n’a pas songé à s’en défendre. La seconde partie de son discours a été remplie par une dénonciation formelle et définitive du Concordat, traité fallacieux qui n’a jamais été respecté à Rome et que le Pape a violé dans des conditions telles que, d’après M. Combes, on ne pourrait essayer de le restaurer sans devenir dupe ou complice. Renouvelant le fameux mot de Bismarck, il a déclaré qu’il n’irait pas à Canossa, son âge et ses goûts lui interdisant un pareil voyage. Ce discours, si inférieur au point de vue de la forme, est du moins un acte très clair, et c’est ce que M. Ribot a constaté tout de suite : il signifie que le gouvernement est résolu à faire la séparation de l’Église et de l’État. Il s’y est déterminé par des motifs divers, dont quelques-uns tiennent, — la fin de son discours ne laisse aucun doute à cet égard, — à ce que l’Église romaine s’est de plus en plus éloignée depuis un demi-siècle des conceptions théologiques de M. Combes. On aurait tort de croire que l’affaire des deux évêques a été la cause déterminante de son évolution ; non, ce qu’il n’a pas pardonné à l’Église catholique, c’est la proclamation de l’infaillibilité du Pape ! A partir de ce moment, toute entente était impossible entre l’Église et l’État, et le Concordat devait être dénoncé. On pourrait se demander pourquoi, il y a un an à peine, M. Combes n’avait pas encore aperçu ces conséquences d’un acte déjà lointain, et continuait de tenir fermement pour le régime concordataire ; mais à quoi bon relever ces contradictions ? Nous savons pourquoi M. Combes a changé d’avis. Ce n’est pour aucun des motifs qu’il a donnés, c’est parce que les socialistes lui en ont imposé l’obligation. L’expulsion des congrégations est terminée, au moins, pour le quart d’heure : il fallait passer à une autre opération anti-cléricale ou anti-religieuse, et, après en avoir fini avec le clergé régulier, que pouvait-on faire, sinon s’en prendre au clergé séculier ? La logique, la fatalité des choses y conduisait. Si un revirement ne se produit pas dans le pays lui-même, la séparation se fera ; et elle se fera dans les conditions les plus propres à troubler la paix des consciences. M. Ribot l’a démontré avec une égale élévation d’esprit et de langage. Il a qualifié M. Combes de « théologien égaré dans la politique. » Est-ce le mot de théologien qui a piqué M. Combes ? Est-ce le qualificatif d’égaré ? Quoi qu’il en soit, il s’est laissé emporter à un violent éclat de colère, et il a soulevé contre M. Ribot un incident qui a tourné