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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




31 octobre


La séance du 28 octobre marque une date importante dans l’histoire du ministère Combes et, hélas ! de notre pays. La majorité ministérielle a chancelé : au moment décisif et à deux reprises successives, elle a été seulement de quatre voix. Elle s’est élevée jusqu’à une trentaine quand on a vu que le Bloc avait résisté : il se trouve toujours, en pareil cas, des braves qui volent au secours de la victoire. Il s’agissait de l’armée, c’est-à-dire de ce que nous avons de plus sacré, puisqu’elle est la suprême sauvegarde de notre existence nationale et de notre honneur.

Qui ne sait que, depuis le ministère actuel, ou plutôt depuis que M. le général André est à la Guerre, l’armée est en proie à une crise morale, qui va sans cesse en s’aggravant ? Elle est rongée par la délation. Plus de confiance, ni de sécurité entre camarades. Le mot d’ordre est : Dénoncez-vous les uns les autres ! La délation est un mal peut-être inévitable ; elle a existé toujours ; mais il y a eu des époques où on l’a méprisée et d’autres où on l’a encouragée. Nous sommes dans une de ces dernières. Des groupemens opposés et comme deux camps se sont formés dans l’armée. Le mal a été maintes fois signalé au général André : il a répondu, un jour, qu’il avait besoin des « ligues de gauche » pour faire contrepoids aux « ligues de droite. » A partir de ce moment, la délation a coulé à pleins bords. Est-ce tout ? non : il fallait savoir d’où elle venait, par qui et au profit de qui elle était faite, enfin, comment fonctionnait cette institution nouvelle qui tendait à supplanter toutes les autres. On a dit souvent que la franc-maçonnerie y jouait le rôle principal ; mais on n’avait pas de preuves, on n’avait que des présomptions et, quelque graves qu’elles fussent, elles