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Pétrir, et fourrager, et rouler à loisir.
Tout de même, tandis qu’en maître je m’amuse,
Il faut qu’à mon doigté j’apporte quelque soin ;
Car, si j’ai la main lourde, ou si je vais trop loin,
« Gibelotte » s’entend à marquer que j’abuse,
Et ce, d’une façon qui vaut tous les discours :
Hors du bourrelet rond de ses pieds de velours
Elle fait, d’une brusque et quintuple détente,
Jaillir cinq crocs d’onyx de leur gaine latente ;
Et, péremptoirement, pour ce simple motif
Qu’il lui plaît d’en finir et qu’elle est un peu lasse,
Remet, d’un geste net, sec et définitif,
Les choses à leur point et le maître à sa place :
— J’ai ce que je mérite, et c’est bien fait pour moi…



La fonction du chat ? — En toute bonne foi
Je dirais : la Beauté. Lorsque le plus futile
Des êtres a sa fin, son but, son rôle utile,
Ne voir dans l’Inventeur divin qu’un étourdi
Mal-content d’avoir fait la souris, est hardi,
Mais peu respectueux. Hugo, railleur énorme,
L’osa, quitte à sauver l’audace par la forme.
Je préfère penser que la Toute-Bonté
S’est prise de pitié pour le monde et sa prose ;
Que le chat fut créé, comme le fut la rose
Pour qu’un peu d’idéal berçât l’Humanité ;
Et je trouve sa fin, — qu’on l’aime ou le dénigre, —
Dans cet illustre mot où rien n’est à changer :
— « Dieu fit le chat, afin que sans trop de danger
« L’homme eût la volupté de caresser le tigre. »


BORRELLI.