Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 24.djvu/227

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

enfant ; et il n’y a pas d’enfant qui, transporté d’une province à l’autre, ne prenne involontairement l’accent qu’il entend parler dans chacune d’elles. Le fait est que toute l’histoire des premières œuvres de Mozart va nous le faire voir désormais employant tour à tour, dans ses compositions, la coupe binaire et la coupe ternaire, passant du style allemand au style italien ou inversement, imprégnant d’une même poésie, qui lui vient de son cœur, des formes que lui mettront sous la main les hasards de ses études ou de ses voyages.


S’il avait écrit sa première sonate six mois plus tôt, avant son départ de Salzbourg, tout porte à croire qu’il l’aurait construite, d’un bout à l’autre, sur le modèle « allemand » de celles de Philippe-Emmanuel Bach. Car bien que nous n’ayons aucune donnée positive sur les œuvres qu’il connaissait à cette époque, nous savons cependant que pas un des grands maîtres italiens ne lui avait encore été révélé ; il ignorait aussi la musique de Sébastien Bach et celle de Haendel, que Léopold Mozart méprisait trop lui-même pour les juger dignes de l’attention de son fils ; et sans doute, au contraire, il avait pu lire, dans la bibliothèque paternelle, quelques-uns des recueils de sonates de Ph.-Em. Bach, dont le succès avait été très grand dans l’Allemagne entière. Plus probablement encore il avait pu étudier, dans cette bibliothèque, une série de sonates de divers compositeurs allemands contemporains, dont le luthier Haffner, de Nuremberg, avait commencé la publication vers 1759, sous le titre d’Œuvres mêlées : publication où, avec d’autres musiciens salzbourgeois, avait collaboré Léopold Mozart. Et c’était également suivant la coupe nouvelle de la sonate « allemande » que se trouvaient traitées la plupart des pièces de ce recueil.

Ou plutôt, si le petit Mozart avait écrit sa première sonate avant de quitter Salzbourg, tout porte à croire qu’il y aurait simplement imité les sonates de son père, orgueil de la maison familiale et des rues voisines. Nous connaissons trois de ces sonates de Léopold Mozart, toutes trois gravées dans le recueil nurembergeois que je viens de nommer. Au point de vue du chant et de l’expression, ce sont des œuvres absolument sans valeur : mais toutes paraissent avoir été écrites avec beaucoup de soin, et la première, en si bémol, n’est même pas dépourvue d’un certain agrément. Toutes ont trois morceaux : un allegro, un